Services aux environnements de travail : vers la création d’une filière dédiée ?
Pour la première fois, une étude de l’Arseg, du Sypemi et de CRDIA a recensé toutes les données relatives au secteur des « services aux environnements de travail ». L’occasion pour les acteurs du marché de donner une dimension et un périmètre à l’ensemble de ces métiers du B to B. Et d’échanger sur les enjeux et perspectives de cette activité économique indispensable aux entreprises, et pourtant mal connue.
« Lorsque l’on évoque les métiers des services aux environnements de travail, on parle de niveaux de qualification relativement modestes et d’une activité sans valeur ajoutée, regrette Xavier Baron, coordinateur du CRDIA, un consortium de recherche et développement constitué de grands donneurs d’ordre pour contribuer à leurs projets de recherche et à l’émergence du secteur du Facility Management (dont les activités B to B concernent les infrastructures et leurs occupants). Il faut pourtant insister sur la réalité de production de valeur économique ».
De l’immobilier de bureaux aux espaces de travail, le secteur des environnements de travail, cette filière « émergée, mais pas encore située », pèse en effet 102 milliards d’euros de chiffre d’affaires, soit 5 % de la richesse nationale produite. Et « même si elle n’existe pas en tant que filière », a rappelé Latifa Hakkou, présidente de l’Arseg (Association nationale des directeurs de services généraux), elle représente le quart du bâti, soit 1 milliard de m² et 20,4 millions d’actifs. Au total, le secteur mobilise 150 métiers – services de propreté, de restauration, logistique, conciergerie, maintenance, espaces verts, sécurité, accueil, travaux d’entretien, portes automatiques… Soit 1,1 million d’emplois chez les prestataires et 200 à 300 000 salariés chez les donneurs d’ordre clients, des emplois « non délocalisables et faiblement automatisables », a rappelé Xavier Baron et 5 % des actifs en France. Ces services aux environnements de travail sont à la fois « dépositaires de la sécurité au travail, de la santé au travail et de la qualité de vie au travail ».
Proposer de la valeur ajoutée
« La crise a rendu visibles des métiers invisibles, se félicite Latifa Hakkou. Dès le premier confinement, ces entreprises étaient en première ligne ». La présidente de l’Arseg presse les pouvoirs publics de « prendre la mesure et l’importance de ces métiers de l’ombre qui font partie de la chaîne de valeurs des entreprises et qui font tourner l’économie ».
Néanmoins, la réflexion chez les donneurs d’ordre est plutôt à l’optimisation et l’aménagement des surfaces, en lien avec les nouveaux modes de travail, avec un « immobilier comme deuxième poste de coût, des immeubles qui n’étaient pas occupés à 100 % et des accords de télétravail qui se sont additionnés », poursuit Latifa Hakkou. Ces mêmes entreprises veulent aussi apporter plus de services pour améliorer la qualité de vie au travail, attirer les talents et les fidéliser. « On parle d’hospitality, soit d’immeubles qui apportent un service égal à ce que l’on trouve dans les hôtels, avec l’augmentation des attentes des salariés et le besoin de les faire revenir au bureau ».
Pour ces entreprises qui visent la réduction et l’optimisation des coûts, il faut travailler sur la création de valeur supplémentaire sur ces métiers de service et de main-d’œuvre, signale Eric Lefiot, président du Sypemi, syndicat des professionnels du Facility Management, qui représente près de 90 % du secteur. Mais pour Xavier Baron, « On ne peut pas tirer les prix vers le bas quand on sait que 87 à 92 % des prix de la prestation couvrent le coût de la main-d’œuvre ».
Pour créer de la valeur supplémentaire, Eric Lefiot recommande d’« adapter le service au juste besoin, être plus agile et plus flexible » et d’« innover pour accompagner la marque entreprise et employeur et travailler sur l’énergie et sur la frugalité des besoins ». En outre, les entreprises, responsables vis-à-vis de leurs prestataires, « doivent intégrer une dimension RSE et accompagner ces services de critères environnementaux, sociaux et sociétaux », reconnaît Latifa Hakkou.
La filière doit aussi faire face à la pénurie de main-d’œuvre, « un problème endémique pour les métiers de services », consent Eric Lefiot, avec des conditions de travail parfois difficiles et des temps partiels imposés. « Il faut renforcer leur attractivité, valoriser leur valeur ajoutée et mettre en avant les nouveaux métiers du numérique, comme les data scientists ou les hospitality managers ». D’autant que les besoins du secteur vont croissant : selon un rapport du GPS (Groupement des Professions de Services) de mars 2022, d’ici 2030, 50 000 emplois dans les métiers de techniciens de maintenance et 150 000 en agents polyvalents devront être créés.
Et faire travailler les métiers ensemble
Autre enjeu, la qualité des services. Les clients attendent « des services de grande qualité, sans couture, avec de la mutualisation entre les différents métiers ». Mais, « les conditions de contractualisation, d’organisation, de professionnalisation et l’absence d’une capacité à former en transversal dans ces métiers débouchent justement sur un risque de qualité du côté des donneurs d’ordre », prévient Xavier Baron.
Selon Eric Lefiot, « pour que ce soit plus efficace et plus économique pour les clients, il faut travailler sur la réactivité et intervenir davantage en interopérabilité et en polyvalence des métiers, aussi « faire monter en compétences les acteurs de ces métiers ».
Pour le coordinateur du CRDIA, « l’enjeu de l’étude est d’être en capacité de penser de manière intégrée des services, même s’il s’agit de métiers spécifiques qui ont des qualités, des spécialités et des spécifications qu’il faut maintenir ». Soit faire travailler ensemble des métiers distincts chez un client qui les a externalisés il y a 20 ans. « Il y a une filière, mais pour qu’elle fonctionne, encore faut-il qu’elle se représente et qu’elle se comprenne comme telle ».
« Le principal enjeu est de rapprocher ces métiers différents qui participent d’une même finalité, d’une seule et même valeur ajoutée globale et d’une même fonctionnalité et ne sont donc pas indépendants », affirme Xavier Baron, faisant le rapprochement avec la filière automobile qui est identifiée et organisée comme telle, alors qu’elle regroupe des métiers très différents.
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