Pénurie de matériaux dans le bâtiment
Depuis plusieurs semaines, le secteur du bâtiment français subit une pénurie de matières premières sans précédent, mettant en péril de nombreux chantiers. Les bricoleurs particuliers peuvent également être touchés. Sébastien Labourdette, président de la Fédération du Bâtiment des Pyrénées- Atlantiques a accepté de nous éclairer sur cette situation.
D'où vient cette pénurie ?
Sébastien Labourdette : La pénurie a plusieurs origines mais la première est une forme de dépression post-Covid. L'état de l'économie mondiale, lié à la crise sanitaire, est en grande partie à l'origine de la pénurie de matériaux qui touche actuellement le secteur du bâtiment français. Les différents confinements ont largement contribué à la désorganisation des filières d'approvisionnement. La reprise brutale de l'activité, liée à une explosion des commandes de chantiers, a surpris les entreprises de construction et les acteurs du BTP. Les usines de transformation des matières premières ont arrêté totalement leurs activités lors du premier confinement. Lors de la relance mondiale de l'économie, il y a eu une certaine inertie qui n'a pas permis de repartir aussi vite qu'espéré. Le deuxième phénomène vient des pays producteurs. Lorsque leur activité a redémarré, ils se sont d'abord servis avant d'exporter. La Chine (mais aussi les pays de l’Asie en général), qui détient la plupart des industries, connaît une croissance sur un an de 18 % au premier trimestre. Les pays importateurs, comme la France par exemple, ne sont pas approvisionnés et sont pénalisés. Chacun tente donc à sa manière de se fournir en matières premières, ce qui fait grimper les prix. À l'image d'un séisme, la crise sanitaire mondiale provoque des répliques inattendues dans de nombreux domaines.
Quels sont les matériaux impactés ?
S.L. : Il faut savoir que 90 % des matières premières proviennent de pays hors d'Europe. Le bois est certainement le matériau dont la pénurie inquiète le plus le secteur du BTP français. Il provient en majorité du Canada. L'acier, les métaux, la plasturgie sont aussi des secteurs touchés. Depuis quelques mois déjà, les entreprises du secteur des produits métallurgiques doivent aussi faire face à des hausses de prix significatives et des délais d’approvisionnement croissants.
Qui est touché ?
S.L. : Toutes les entreprises sont touchées. Principalement, les entreprises de charpente et de couverture pour le bois, celles qui réalisent des charpentes ou des structures métalliques pour l’acier, les rails métalliques… La pénurie frappe également la filière des travaux publics. Les entreprises d’électricité et notamment celles des travaux publics qui utilisent plus de 60 % de plastique pour les gaines, les tuyaux, subissent la pénurie de plein fouet.
Quelles sont les conséquences immédiates ?
S.L. : Les difficultés d’approvisionnement, en acier, en bois, entre autres, empêchent le secteur du bâtiment français de mener à bien ses chantiers ou de respecter ses délais de livraisons. Cette situation entraîne la rareté des matériaux et donc une hausse des prix. Par exemple, les prix du bois à l'importation sont passés de 320 euros le m3 en janvier 2021 à 750 euros le m3 au 1er mars 2021. Le prix de l'acier et des métaux a augmenté de 100 %. Cette hausse des prix entraîne un surcoût. Sur tous nos chantiers, nous connaissons un surcoût de 15 %.
Quelles sont les conséquences sur les chantiers ?
S.L. : Des discussions sont engagées avec les maîtres d’oeuvre. Ils se réorganisent dans l’avancement des chantiers en fonction des matières premières. La difficulté est plus au niveau du second oeuvre. D’une manière générale, les délais sont de huit semaines pour tout ce qui est rails, placoplâtre, gaine en PVC, cuivre… Certains peuvent différer les travaux. Certains chantiers ne peuvent pas continuer faute d’approvisionnement. D’autres voient leurs factures s‘envoler puisque les maîtres d’oeuvres répercutent la hausse des prix de leurs fournisseurs. Les particuliers subissent également cette envolée des prix.
À quelle date prévoyez-vous un retour à la normale ?
S.L. : D’après moi, cette situation devrait se stabiliser en 2022. Il faut patienter six mois pour retrouver un équilibre de la production et du commerce international. Mais il ne faut pas s’attendre à une baisse des prix mais plutôt à une stabilisation des prix.
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