Le PAYS BASQUE, pour dernier repos

Connaissez-vous le point commun entre Daniel Balavoine, Luis Mariano, Francis Jammes et Roland Barthes ? Ces quatre célébrités du XX^e siècle sont inhumées sur les terres basques qu’ils affectionnaient particulièrement. Ils y passaient leurs vacances, y travaillaient ou y trouvaient l’inspiration. Lumière sur leurs histoires de vie, leur lien au territoire et l’empreinte qu’ils ont laissée.

Des chanteurs iconiques

Luis Mariano, né González, voit le jour en 1914 en Espagne. D’origine basque, il grandit à Irún, Hendaye et enfin Bordeaux. À ses débuts, il chante dans des chorales, puis se forme au Conservatoire de Bordeaux avant de s’installer en 1942 à Paris. Enchaînant leçons de chant et cours de théâtre, Luis travaille sa présence scénique en s’essayant à plusieurs styles musicaux. C’est de sa rencontre avec le compositeur en vogue Francis Lopez en 1945 que naît l’étoile Mariano. L’artiste tient le premier rôle de l’opérette La Belle de Cadix. Le succès n’est pas immédiat, mais le spectacle tiendra l’affiche durant 2 ans et le disque éponyme se vendra à 1 250 000 exemplaires. Après presque 15 ans de succès, des tournées dans le monde entier et des rôles au cinéma, c’est la période yéyé, le vent tourne pour le chanteur d’opérette. Mariano et ses chansonnettes ne sont plus à la mode. En 1960, il se retire à Sare au Pays Basque, puis en manque d’espace, achète une vieille propriété et une parcelle de terrain à Arcangues pour y construire sa maison et y faire vivre sa ferme pleine d’animaux. Il meurt 10 ans plus tard à Paris le 14 juillet. C’est sur les hauteurs d’Arcangues, au cimetière du village, que Luis Mariano est inhumé. Si les marianistes sont de plus en plus rares au fil des ans à visiter sa tombe, elle reste fleurie, ce qui ne manque pas d’attirer encore quelques curieux dans ce charmant bourg aux colombages bleus, cher au coeur du ténor basque.

Né en 1952 à Alençon, originaire du Pays basque et des Landes, Daniel Balavoine a vécu à Biarritz, Pau puis Bordeaux durant sa jeunesse. Son passage dans les pensionnats catholiques d’Hasparren, de Dax et de Pau ne lui aura pas laissé un souvenir mémorable, si ce n’est l’attrait pour la littérature.

D’abord chanteur de bal dans la cité paloise, c’est en 1978 qu’il perce dans la musique en participant à la fameuse comédie musicale Starmania. Auteur, compositeur, interprète, cet artiste complet à l’esprit frondeur est un chanteur aussi adulé qu’engagé. En dehors de ses tournées et prises de position, il savoure ses périodes de repos à Biarritz où il possède un appartement.

« Cet endroit avec les colères d’un océan qui gronde et change tous les jours d’apparence me ressemble trop. Ça me tonifie », disait-il de la cité impériale et de sa côte rocheuse.

Au sommet de sa carrière musicale, le 14 janvier 1986, Daniel Balavoine décède dans un accident d’hélicoptère au Mali alors qu’il participe à un projet humanitaire.

Le cimetière de Ranquine à Biarritz accueille désormais la tombe de l’artiste, une tombe dépouillée de toute fleur, photo ou épitaphe, pour respecter l’homme libre qu’il était. Ses fans se sont donc approprié le par-terre attenant à la pierre tombale, débordant de témoignages d’amour. En hommage, son nom est attribué à une maison de quartier pour jeunes, rue Pétricot.

Des hommes de lettres

Poète oublié qui a pourtant inspiré les plus grands tels que Proust, Claudel ou Gide, Francis Jammes est né à Tournay dans les Hautes-Pyrénées en 1868. Il n’aime pas l’école, mais c’est pourtant sur ses bancs à Saint- Palais qu’il découvre la poésie. À 20 ans, alors qu’il vit à Bordeaux et séjourne régulièrement à Pau dans la famille, son père meurt. Il déménage à Orthez chez une tante et tombe d’amour pour cette ville à qui il dédie plusieurs déclarations d’amour. Après chaque voyage, qu’il appelait «promenades », il apprécie de retrouver la quiétude et la mélancolie de ce village. Francis aimait le grand air, la nature, la campagne, la chasse et la pêche. Pourtant, il se positionne comme défenseur de la cause animale. Fervent catholique, il ne sait renoncer au plaisir charnel. Un homme plein de contradictions… Le poète impose un style d’écriture simple, à l’inverse de sa personnalité. Plus tard, c’est à Hasparren qu’il puise son inspiration, et c’est là qu’il finira sa vie à la Toussaint 1938. Une rue de Biarritz porte aujourd’hui son nom, la rue de la célèbre Villa Fal, où il aimait passer des soirées et fit la rencontre de Sacha Guitry.

Le philosophe et écrivain Roland Barthes naît en 1915 en Normandie, puis grandit à Bayonne et à Urt entre 1916 et 1924. Diplômé en lettres classiques à la Sorbonne, son port d’attache est désormais Paris, capitale intellectuelle. Il intègre l’École Pratique des Hautes Études, le Collège de France et devient un spécialiste en sémiologie. Il se plaît à étudier les signes et les codes de la société qui l’entoure, les différentes classes sociales qui se côtoient, etc. Se développe alors chez Barthes un imaginaire plein de sensibilité, sous une plume inventive. De santé fragile, c’est à Urt dans sa maison acquise dans les années 60 que le philosophe-essayiste vient régulièrement se reposer, passer ses vacances, travailler, se livrer à la peinture ou encore à la musique.

Véritable penseur révolutionnaire, figure emblématique du structuralisme, Roland Barthes rejoint son village préféré de façon prématurée en 1980, fauché par une camionnette, et sera inhumé en son cimetière. Celui qui disait « rentrer chez soi » lors de chaque séjour à Urt, reposera finalement éternellement chez lui à deux pas de l’Adour et de ses jeux de lumière qu’il adorait. Aujourd’hui, la médiathèque urtoise porte son nom, tout comme l’esplanade verdoyante le long des quais Chaho à Bayonne ou la résidence universitaire d’Anglet.

Les sépultures de ces artistes et intellectuels sont bien plus que des pierres tombales fleuries, elles revêtent un caractère patrimonial important, et offrent un espace de recueillement pour les personnes sensibles à l’histoire et oeuvre de ces personnalités.