Droit de la famille et covid-19 : les avocats vous répondent
L’Ordre des Avocats au Barreau de BAYONNE en partenariat avec notre publication vous apportent dans cette chronique les premiers renseignements et les conseils des professionnels du droit pour aborder les problématiques juridiques ou judiciaires. Ces informations ne sauraient se substituer à un diagnostic propre à chaque situation particulière.
Autorité parentale et résidence des enfants en cette période de confinement, sachons « bon sens garder »
L'article 373-2 du Code Civil prévoit le principe selon lequel la séparation des parents est sans incidence sur les règles de dévolution de l'exercice de l'autorité parentale. Chacun des parents doit maintenir des relations personnelles avec l'enfant et respecter les liens de celui-ci avec l'autre parent. Selon que la résidence des enfants est fixée, à titre principal, chez l'un des parents (ce qui implique l'existence d'un droit de visite et d'hébergement de l'autre parent), ou bien en résidence alternée, les modalités d'exercice de l'autorité parentale impliquent alors des déplacements des enfants ou des parents. La publication au Journal Officiel le 17 mars 2020 du décret du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus COVID 19 soulève la question de l'organisation des déplacements nécessaires pour assurer les droits des parents séparés. Si de tels déplacements semblent autorisés, permettant le maintien des relations (lorsque les deux parents sont d'accord), la question doit néanmoins se poser de la légitimité du refus d'un parent de respecter les modalités d'exercice de l'autorité parentale.
1 Ainsi, si les déplacements sont autorisés, ils sont contrôlés et nécessitent, pour des déplacements pour motif familial impérieux, pour l'assistance de personnes vulnérables ou pour la garde d'enfants, qu'une attestation de déplacement dérogatoire soit établie. Tant l'article 1er du décret du 16 mars 2020 que l'article 3 du décret du 23 mars 2020 qui visent les déplacements pour motif familial impérieux, semblent concerner les déplacements nécessaires pour assurer les droits des parents séparés et entrent dès lors dans le cadre des déplacements exceptionnels autorisés au titre des déplacements pour la garde des enfants. Il est dès lors nécessaire qu'en cas de contrôle, lors des déplacements hors de leur domicile, les parents puissent justifier que le déplacement considéré entre dans le champ des exceptions prévues.
Pour ce faire, il est impératif qu'ils détiennent une attestation de déplacement dérogatoire, outre le jugement ou la convention de divorce qui précise les modalités de garde. Pour le cas où une décision de justice ne serait pas intervenue, il convient que les parents aient établi une convention organisant les modalités d'exercice de l'autorité parentale (tout écrit pouvant servir dès lors de preuve et notamment échanges de mails scannés fixant les accords parentaux). Les mesures de restriction de circulation annoncées ne concernent pas les déplacements pour motif familial. La réponse de principe des autorités est donc la poursuite des droits de visite et d'hébergement, ou de la résidence alternée, comme à l'accoutumée, y compris pour les parents qui vivent loin l'un de l'autre, dans le respect des consignes sanitaires. C'est d'ailleurs ce qui a été rappelé par Marlène SCHIAPPA, secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les hommes et les femmes et à la lutte contre les discriminations.
2 Le contexte de crise sanitaire pourrait justifier le défaut d'exécution des modalités de l'exercice du droit de visite et d'hébergement durant la période de confinement dans deux cas :
- D'un commun accord les parents peuvent s'entendre pour suspendre, espacer, aménager provisoirement les droits de visite et d'hébergement du parent chez qui les enfants ne résident pas ou l'accueil des enfants en cas de résidence alternée. Dans ce cas, il conviendra de privilégier les accords écrits, et le maintien de liens à distance avec l'autre parent (contacts par téléphone, visio, Skype, Facetime réguliers) et de prévoir une compensation ultérieure avec une extension des modalités de droit de visite et d'hébergement, ou une fréquence plus rapprochée, ou encore une résidence prolongée chez le parent qui aura été privé de l'enfant. Quoi qu'il en soit, et pour palier à toute difficulté ultérieure (plainte pour non présentation d'enfant), Il est nécessaire, pour chaque parent, de conserver la trace des échanges avec l'autre parent (courriers, courriers électroniques, SMS, messages WhatsApp, etc..) aux fins de démontrer ce qui a été décidé à l'amiable (modification des périodicités, suspension, etc.).
- Le contexte de crise sanitaire pourrait justifier également du défaut d'exécution des modalités d'exercice de l'autorité parentale durant la période de confinement par décision unilatérale du parent chez qui se trouve l'enfant. Le parent chez qui se trouve l'enfant peut refuser, ou être dans l'impossibilité d'exécuter son obligation de remettre l'enfant à l'autre parent :
• Lorsque le droit de visite est médiatisé (remise de bras par un passage de point rencontre), l'exécution est impossible. En effet, et notamment sur la Côte Basque, les organismes habilités sont fermés. Ainsi, dans ce cas, le parent hébergeant se trouve dans l'impossibilité de remettre l'enfant sans que puisse être retenue quelque faute que ce soit de sa part.
• En cas de risque de contamination pour les parents, leurs proches et pour l'enfant : en cas de circonstances particulières notamment suspicion de contamination, ou un risque particulier pour une personne fragile de l'entourage d'un des deux parents, ou parent susceptible d'être exposé au virus du fait de sa profession, on pourrait argumenter qu'il est conforme à l'intérêt général d'éviter les déplacements d'enfants entre plusieurs lieux.
• De la même manière, en cas de résidence alternée, face au risque de contamination pour chacune des familles et pour l'enfant lui-même, le parent chez qui l'enfant se trouvait au début de la période de confinement pourrait invoquer le risque de contamination pour ne pas remettre l'enfant à l'autre parent à la date prévue.
En l'état, le Gouvernement ne donne aucune instruction officielle permettant d'arguer de la situation exceptionnelle pour que les visites soient suspendues.
On peut légitimement penser que dans ces cas, en cas de plainte, le Ministère Public ne poursuivrait pas un parent qui n'aurait pas respecté ses obligations à l'égard de l'autre dans ce contexte. Il appartiendra donc à chacun d'apprécier au cas par cas la solution la plus adaptée compte tenu des circonstances. En tout état de cause, et en cas de décision unilatérale d'un parent de ne pas remettre l'enfant en invoquant un risque de contamination, le maintien de liens à distance avec l'autre parent et une compensation ultérieure, sont également nécessaires.
3 L'exercice de l'autorité parentale prévoit des droits mais aussi des devoirs dont le premier est de préserver l'intérêt supérieur de l'enfant en s'adaptant aux circonstances exceptionnelles que nous traversons aujourd'hui. Une seule règle : sécurité et santé de l'enfant en priorité. Un appel au bon sens doit prévaloir à toute décision. Le contexte actuel est déjà très anxiogène pour l'enfant, lequel doit être préservé de tout tiraillement le conduisant à un conflit de loyauté. L'urgence parentale doit être la discussion entre « adultes responsables » aux fins de trouver et d'aménager des solutions ne mettant personne en danger.
Ce sont aux adultes à faire primer l'intérêt de l'enfant et l'intérêt général sur leurs besoins ! Les professionnels du droit pointent le risque d'abus qui existent, particulièrement en cas de séparation conflictuelle et pour ceux dont l'organisation reposait jusque-là uniquement sur des arrangements Informels.
- Droit social covid-19 : les avocats vous répondent
- Les professionnels du chiffre et du droit au chevet des entrepreneurs