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Entreprise Économie

Avec Bihartean, internationaliser rime avec proximité

Olga Irastorza, Directrice de la chambre de commerce transfrontalière. © YR

Olga Irastorza, Directrice de la chambre de commerce transfrontalière. © YR

Directrice de la chambre de commerce transfrontalière, Olga Irastorza navigue entre Bayonne, Saint-Sébastien et Pampelune. Sa mission est de faciliter le passage de la Bidassoa pour les entreprises des deux côtés des Pyrénées.

Émanation des chambres de commerce de Bayonne Pays Basque, du Gipuzkoa et de Navarre, Bihartean oeuvre sur une zone à l’échelle de l’Eurorégion. Un terrain de jeu représentant près de 9 millions d'habitants, plus de 3,5 millions d’emplois et 483.000 entreprises. Après une année 2020 riche en sollicitations, Olga Irastorza nous reçoit dans son bureau de la CCI de Bayonne. Elle nous y explique notamment comment la crise actuelle modifie les comportements des entreprises.

Quel est le rôle de Bihartean ?

Olga Iratsorza : Cette chambre de commerce a un double rôle. Tout d’abord, un rôle d'accompagnement aux entreprises des trois territoires - Nouvelle-Aquitaine, Navarre et Euskadi - dans des problématiques ou des projets transfrontaliers. Soit pour la recherche de prestataires, de fournisseurs, soit pour créer une nouvelle activité ou effectuer une recherche de clients. À partir de la CCI Bayonne, nous avons vocation à accompagner toute entreprise du territoire de la Nouvelle-Aquitaine. Le second rôle de cette CCI transfrontalière est aussi de regrouper des entreprises et des centres technologiques des trois territoires pour former des chaînes de valeur complémentaires. Notre philosophie, c’est de travailler sur la complémentarité des savoirfaire. À ce titre, nous avons créé trois clusters transfrontaliers, un sur la fabrication additive, un sur l'intelligence artificielle, et un sur les dispositifs médicaux sur mesure.

Combien d’entreprises avez-vous accompagnées en 2020 ?

O.I. : L’an passé, nous avons réalisé près de 80 accompagnements. Cela pour des entreprises de tous secteurs économiques et sur des problématiques très différentes. Tout d’abord sur le plan administratif, pour connaître la norme en vigueur sur l’un ou l’autre des territoires. D’autant plus que de l’autre côté, il y a deux communautés autonomes, avec des nuances à connaître entre l’Euskadi et la Navarre. Certaines entreprises nous ont demandé d’identifier des sous-traitants, avec notamment quelques volontés de relocalisation de production. Dans ce cas, on regarde des deux côtés des Pyrénées si des sous-traitants peuvent répondre aux demandes. Il y a également eu des entreprises qui ont cherché du développement commercial avec de la recherche de clients.

Avez-vous vu plusieurs projets de relocalisation ?

O.I. : Il y a une tendance à relocaliser certaines productions. Les entreprises étudient sérieusement cette possibilité pour ne pas être en flux tendu ou trop dépendantes. Nous avons donc eu plusieurs cas d’entreprises qui se penchent sur une possible relocalisation. L’atout de la zone est évident ; dans un rayon de 150 km, on y trouve une grande diversité de prestataires stratégiques. Cela va dans le sens de ce que nous prônons depuis toujours : une internationalisation de proximité. Certaines PME peuvent aller chercher des marchés partout dans le monde mais souvent, les petites entreprises n’ont pas la culture de l’export. On les encourage à privilégier la proximité car nous sommes dans une zone transfrontalière et qu'outre Bidasoa un nouveau marché, des clients et des besoins s'ouvrent à eux.

Malgré tout, ça peut sembler parfois compliqué d’entreprendre à quelques dizaines de kilomètres de chez nous. Les freins sont-ils réels ou d’ordre psychologique ?

O.I. : Ce sont des territoires différents avec des législations différentes. Si l’Union Européenne a facilité les échanges (Erasmus, monnaie unique, libre circulation des personnes), il n’en demeure pas moins qu'une zone frontalière comme la nôtre est de suite confrontée aux différences. Même si nous avons l’habitude de franchir cette frontière facilement, les systèmes administratifs, politiques, économiques et culturels ne sont pas les mêmes. Ensuite, il y a effectivement une barrière psychologique, peut-être liée à des raisons historiques. Malgré leur proximité géographique, ces territoires n’ont jamais vraiment pensé à faire des affaires ensemble.

Depuis la création de Bihartean, voyez-vous les mentalités changer ?

O.I. : Oui, il y a plus de demandes aujourd’hui. De plus, ce sont des demandes plus qualitatives, plus stratégiques. D’autant plus que les crises successives que nous traversons redonnent de la valeur à la proximité.

La crise Covid-19 a-t-elle engendré plus de difficultés ?

O.I. : Oui, en 2020 nous nous sommes trouvés pour la première fois depuis longtemps avec une frontière fermée. Les flux qui se déroulaient facilement ont été compliqués. Cela a empêché certaines entreprises de se déplacer de part et d'autre. Nous avons alors eu un flot de demandes des entreprises qui avaient besoin d'informations et d’accompagnement. Dans ce contexte, nous avons eu une très bonne collaboration avec la sous-préfecture de Bayonne et le consul général de France à Bilbao. Ils ont pu répondre à des questions très pointues car nous avons alors découvert des activités transfrontalières qui ne passaient pas par nous jusque là. Comme par exemple des commerces de prêt-à-porter qui font leurs achats de collection en Euskadi ou des entreprises de meubles qui vont monter du mobilier sur mesure à Valladolid ou Salamanque, ou encore des entreprises qui possèdent des oliveraies ou des exploitations agricoles… On a pu répondre à toutes ces entreprises et à leurs demandes. Ces questionnements ont perduré toute l’année 2020, avec les évolutions administratives régulières liées à la pandémie.

Comment s’annonce l’année 2021 pour Bihartean ?

O.I. : 2020 a été une année importante, et cela continue en 2021. Nous avons des entreprises qui ont des besoins et envies de développement économique dans cet espace transfrontalier. De plus, nous sommes encore dans une période d’incertitude, où la réglementation évolue en fonction de la crise sanitaire. Cela génère beaucoup de demandes d’information pour savoir ce qui est possible de faire ou pas.

Que viennent chercher les entreprises du Nord vers le Sud et inversement ?

O.I. : Jusque récemment, (3-4 ans), les entreprises du sud venaient chercher du marché au nord, celles du nord allaient chercher de la sous-traitance au sud. Mais cela a évolué. Désormais, des entreprises du nord s’intéressent aussi au marché du sud, et les entreprises du sud trouvent des sous-traitants au nord. Ceci encore plus aujourd’hui avec le bouleversement subi par les sous-traitants sur nos territoires.

Comment se passe la prise de contact avec les entreprises ?

O.I. : Elles peuvent nous contacter via le site web www.bihartean.com. Suite à leur demande, afin de bien comprendre les besoins de l’entreprise,nous organisons une ou plusieurs réunions et, si possible, un déplacement sur site. Puis nous définissons ensemble une feuille de route pour répondre à son besoin. Soit je peux résoudre ce besoin par le réseau de Bihartean constitué depuis 11 ans, soit je fais appel à mes correspondants dans chacune des chambres de commerce qui connaissent parfaitement le tissu économique de leur territoire.