Saint-Jean-le-Vieux, un passé romain en Pays de Cize
À Saint-Jean-le-Vieux, un site antique stupéfiant se dévoile : un « camp romain » avec son remarquable ensemble thermal attestant d’une présence romaine remontant à 2000 ans.
L’archéologue Jean-Luc Tobie découvrit le site en 1965 et mena des campagnes de fouilles et de sondage entre 1966 et 1983. Les vestiges relevés sont mis en valeur dans le musée situé au sein de la Mairie. De nombreuses explications écrites et audiovisuelles viennent étoffer la richesse des collections et dressent un portrait de Saint- Jean-le-Vieux au fil de l’Histoire. Une instruction fort appréciable avant de s’engager sur le circuit patrimonial à la rencontre du site du « Camp romain », classé Monument Historique en 1984.
L’exploration du « Camp romain »
C’est au lieu-dit Burgocharre (« vieux bourg »), audessus du gué qu’emprunte la route pour franchir le Laurhibar, que se situe le site du « Camp romain ». De forme rectangulaire, 200 m de long sur 120 à 95 m de large et aux angles arrondis, le « Camp » s’étale sur 2,5 ha. Son agger, talus défensif, surplombe encore de 5 à 7 m l’ancien fossé de protection. Les fouilles menées indiquent que le « Camp » se composait d’habitations légères : cabanes, structures de pisé (constructions en terre crue), tentes. Si l’étude du mobilier archéologique laisse penser à une fonction militaire première, J.L Tobie met en avant le rôle douanier du « Camp » et ceci en lien avec la période de prospérité connue sous la fin du règne de l’Empereur Auguste au dernier quart du 1er siècle av. J.-C. De plus, la présence de pièces de vaisselle, aux caractéristiques manufacturières particulières, permet à l’archéologue d’établir une date de fondation du « Camp romain » autour de 15 av. J.-C. D’un habitat léger, le « Camp » évolue dans le premier quart du Ier siècle apr. J.-C. vers un site aux édifices plus solides et ordonnés avec un réseau de ruelles en galets. Cette époque marque également la construction, à l’intérieur du « Camp », de la première partie de l’ensemble thermal mis au jour durant les fouilles. En ce début d’Empire romain, la présence de thermes se fait encore rare en Gaule selon J.L Tobie. Ils symbolisent « l’hygiène et le confort collectifs qui caractérisent la nouvelle civilisation » s’installant dans cette contrée sauvage.
Des thermes d’exception
L’ensemble thermal dégagé à Saint-Jean-le-Vieux, en visite libre, est reconnu à ce jour comme le plus anciennement daté du sud-ouest de la France. Bien qu’abandonné à la fin du 1er siècle apr. J.-C., l’état de conservation du balnéaire permet de bien se représenter l’architecture thermale du début de l’Empire romain et en fait son grand intérêt. Bien qu’il ne reste que les fondations, les archéologues estiment que le bâtiment devait être d’une hauteur de 5 à 6 m, exclusivement construit en pierres (grès rouge) et couvert en tuiles romaines. Ces premiers thermes, édifiés au premier quart du 1er siècle apr. J.-C. sur une surface de 166 m², sont constitués de 4 salles alignées : le praefurnium (foyer), le caldarium (salle du bain chaud), le frigidarium (salle du bain froid) et l’apodyterium (vestiaire). Les pièces étaient chauffées par un système ingénieux de chauffage central par le sol ainsi que par les murs (l’hypocauste). Ce bâtiment initial est agrandi vers 30 apr. J.-C. avec l’adjonction d’une salle, probablement un vestibule d’entrée, ainsi que d’un vaste caldarium supplémentaire et d’une piscine d’eau froide. Un escalier de 4 marches, bien conservé, permettait d’accéder à celle-ci et son sol était « recouvert de petits carreaux disposés en opus spicatum (arêtes de poisson). » Après son agrandissement, le balnéaire couvrait une superficie de 500 m² et son utilisation était mixte. En imaginant les bienfaits thermaux de cette petite agglomération aux confins des Pyrénées se pose la question des raisons de la présence romaine dans cette contrée si éloignée de Rome.
Une position romaine stratégique
La fondation du « Camp romain » dès 15 av. J.-C. sur l’antique chemin transpyrénéen Bordeaux/Astorga revêt un caractère stratégique. En effet, selon J.L Tobie, cette présence romaine serait en lien avec les conquêtes militaires sous l’Empereur Auguste (27- 25 av. J.-C.) et la pacification de la région une fois les guerres terminées. Le trophée-tour d’Urkulu sur les hauteurs de Saint-Jean-le-Vieux est le symbole de ces campagnes victorieuses dans la péninsule ibérique. Ainsi, dans les premiers temps, la garnison stationnée au « Camp » contribue à la conquête militaire, assurant le ravitaillement des troupes et la création de routes facilitant leur déploiement. Par la suite, elle continue à aménager le secteur en dirigeant et encadrant les travaux sur le réseau routier, ainsi qu’en surveillant et contrôlant les premiers trafics vers l’Espagne. Parallèlement, une exploitation du territoire, notamment de ses ressources minières (cuivre, fer, argent, plomb), est mise en oeuvre à grande échelle. Pour J.L Tobie, il reste difficile de dater l’époque où le rôle militaire du « Camp » cesse, celui-ci devenant une mansio : gîte d’étape, poste fiscal et douanier, place de commerce… Le « Camp romain » deviendra connu sous le nom d’Imus Pyrenaeus (« Le bas des Pyrénées ») comme l’indique l’Itinéraire d’Antonin, document élaboré au IIIe siècle qui recense les voies romaines et stations routières. Le « Camp romain » évolue donc pour devenir un vicus (village) routier au rôle douanier et fiscal prédominant, ceci en lien avec le développement du commerce, notamment de la céramique comme l’attestent les bols aux délicats motifs exposés au musée. Ces flux commerciaux d’import et d’export avec l’Espagne fluctuent selon les siècles comme le suggère l’étude des pièces de monnaie retrouvées lors des fouilles. Si le site du « Camp romain » semble habité jusqu’au début du IIe siècle apr. J.-C., le vicus se développe ensuite plus au nord sur l’axe du village actuel. Il reste occupé jusqu’au début du Vème siècle, avant que le glas d’Imus Pyrenaeus soit sonné par les invasions barbares déferlant alors sur l’Empire romain.
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