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Vie locale

QUI sont-ils ? Épisode 11

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11ème épisode de notre série sur les personnages historiques. Ils ont donné leur nom à une avenue, une rue ou une place de notre territoire. Des noms qui nous sont devenus familiers au fil du temps, mais dont nous ignorons tout ou presque. Partons à la découverte de ces hommes et femmes au parcours souvent hors du commun.

Marie-Anne de Neubourg

L’avenue éponyme à Bayonne, où se situe le Tribunal de Commerce, fait le lien entre l’avenue de la Légion Tchèque et l’avenue Gabriel Deluc. Reine d’Espagne par devoir plus que par amour, Marie-Anne de Neubourg, née en 1667 à Düsseldorf en Allemagne, voit son destin basculer lorsqu’elle épouse Charles II en 1690. Ce mariage, censé donner un héritier au trône espagnol, reste stérile, et la reine, vite impopulaire, se retrouve mêlée à des intrigues de cour. Intelligente et ambitieuse, elle se heurte violemment à sa belle-mère et use de son influence pour soutenir son neveu, l’archiduc Charles, prétendant autrichien au trône d’Espagne. À la mort de Charles II en 1700, elle est rapidement écartée du pouvoir par le nouveau roi, Philippe V, et reléguée à Tolède, où elle vit dans le Palais de l’Alcazar. Exilée, humiliée, elle finit par quitter le pays pour la France. Malgré quelques soutiens familiaux, elle mène une vie difficile à Bayonne, rue Montaut, et revient tardivement en Espagne où elle meurt en 1740 à Guadalajara. Son histoire inspire Victor Hugo pour le personnage tragique de La Reine dans Ruy Blas, et le cinéaste français Gérard Oury dans la comédie La Folie des grandeurs réalisée en 1971. Figure oubliée, Marie-Anne de Neubourg incarne la solitude des reines sans pouvoir.

Théophile de Bordeu

Plusieurs rues en Béarn portent son nom, notamment dans sa ville natale et à Oloron-Sainte-Marie. Né en 1722 à Izeste, en Vallée d’Ossau, Théophile de Bordeu fut l’un des esprits les plus originaux de la médecine du XVIIIe siècle. En anatomie, on lui doit notamment d’importantes découvertes sur l’usage des glandes et la structure des tissus. Issu d’une lignée de médecins, il se forme à Montpellier, haut lieu de la pensée vitaliste, courant dont il devient l’un des plus ardents défenseurs. À rebours des théories mécanistes, Théophile de Bordeu affirme que chaque organe possède une « sensibilité » propre, et que la vie résulte de la dynamique entre ces vies organiques. Après un passage à l’infirmerie royale de Versailles, il devient médecin, soigne la Comtesse du Barry et échange avec Diderot, qui en fait un personnage de son Rêve de D’Alembert. Il contribue également à l’Encyclopédie, marquant de son empreinte la philosophie des Lumières. Inspecteur des eaux thermales, il joue un rôle clé dans la promotion du thermalisme pyrénéen, initié à Pau puis développé à Barèges. Poète à ses heures en langue béarnaise, il célèbre sa terre natale dans Aumatge. Décédé en 1776 à Bagnères-de-Bigorre, Théophile de Bordeu laisse une oeuvre à la croisée des chemins entre sciences et sensibilité.

Joseph Barbanègre

À Pontacq, la rue dans laquelle se trouve sa maison natale a été baptisée de son nom et une statue a été érigée sur la place de la mairie. Il existe également un boulevard à Pau, et des rues en son honneur à Paris, Auch, Huningue et Mulhouse. Né à Pontacq en 1772, Joseph Barbanègre fut l’un des plus vaillants généraux du Premier Empire. Issu d’une ancienne famille béarnaise, et onzième enfant d’une fratrie de quatorze, il embrasse la carrière militaire dès la Révolution avec deux de ses frères, Jean et Jacques. Brillant capitaine, il s’illustre à Austerlitz, Iéna, Eylau, puis lors de la campagne de Russie. Promu général de brigade en 1809, il résiste héroïquement à Stettin en 1813, ne rendant la ville polonaise qu’après neuf mois de siège. Et c’est à Huningue en Alsace, en 1815, que son nom entre dans la légende : avec 135 hommes, il défend la place face à 20 000 Autrichiens. La capitulation, imposée par l’abdication de Napoléon, n’efface en rien sa bravoure. Mis à l’écart sous la Seconde Restauration en raison de son ralliement à Napoléon, Joseph Barbanègre meurt en 1830 à Paris. Il est enterré au Père-Lachaise, parmi les maréchaux et généraux de l’Empire.

Roland Barthes

Retour à Bayonne avec l’Esplanade anciennement Mail Chaho-Pelletier. Figure majeure de la pensée française du XXe siècle, Roland Barthes fut à la fois critique littéraire, sémiologue et écrivain. Né à Cherbourg en 1915, il perd son père un an plus tard lors de la Première Guerre mondiale. Il vit ensuite à Bayonne jusqu’en 1924. Marqué par une enfance endeuillée et une santé fragile, il mène une vie intellectuelle intense, rythmée par l’enseignement, les voyages et l’écriture. Auteur du Degré zéro de l’écriture, des Mythologies ou encore des Fragments d’un discours amoureux, Roland Barthes révolutionne la critique littéraire en déplaçant l’attention de l’auteur au texte. Professeur au Collège de France, il passionne autant qu’il dérange. Sa querelle avec Raymond Picard sur la « nouvelle critique » illustre les tensions entre tradition et modernité dans les études littéraires. Sa relation fusionnelle avec sa mère, sa fascination pour le Japon, son intérêt pour le théâtre et le langage amoureux nourrissent une oeuvre traversée par la mélancolie et la quête de sens. Fauché accidentellement à Paris en 1980, Roland Barthes laisse une pensée libre, subtile et toujours actuelle. Son oeuvre continue d’éclairer notre rapport aux signes, aux récits et à l’intime. Sa dépouille repose auprès de sa mère au cimetière d’Urt.