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Vie locale

POMEROL, rencontre avec l’alchimiste du CHÂTEAU CLINET

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Le domaine de Clinet se situe au cœur de la prestigieuse appellation Pomerol © DR

Dans le vignoble du Pomerol, il est une référence connue dans le monde entier. Fruit d’une attention de chaque instant et d’un travail minutieux, le vin du Château Clinet est un nectar d’une rondeur rare. En compagnie de son maître de chai, nous avons poussé les portes d’un domaine qui cultive la discrétion et l’excellence.

À quarante kilomètres à l’est de Bordeaux se situe un terroir exceptionnel. Les routes départementales découpent un paysage de vignes poussant sur l'une des appellations les plus célèbres : Pomerol. À quelques centaines de mètres à vol d’oiseau de l’église du village, notre trajet s’arrête devant une demeure aux volets rouges. C’est ici, au Château Clinet, que nous retrouvons Nicolas Herranz-Bros. Originaire de Bayonne, sa passion pour le domaine viticole l'a conduit dans le Bordelais.

À la différence de Saint-Émilion, il n’y a pas de classements dans le Pomerol. Mais s’il y avait une liste des grands crus, nul doute que Clinet en ferait partie. « Le Château est reconnu comme l’un des meilleurs Pomerol, je suis vraiment content d’être arrivé là », sourit le maître de chai.

Ne rien laisser au hasard

Arrivé en 2017, l’homme a su assez rapidement que le vin serait son univers. « Je ne me voyais pas assis derrière un bureau et j’hésitais alors entre un travail en vigne ou en forêt ». Passionné par la nature, c’est dans le Tarn et Garonne que l’adolescent a le déclic. « Mon grand-père avait quelques vignes dans le frontonnais, j’allais y faire les vendanges ». Un stage auprès de la coopérative de l’AOC Fronton finit de déterminer son choix.

Après le Lycée agricole de Dax, le jeune parfait sa formation théorique avec un BTS Viti/Vinicole puis un DU Technicien du vin. Débute ensuite sa carrière professionnelle en tant qu’ouvrier polyvalent dans les premières Côtes de Bordeaux. Ensuite, il gravit les échelons, passant de second de maître de chai sur un domaine de Pomerol à maître de chai dans l’appellation voisine de Lalande-de-Pomerol. Depuis sept ans, il officie au sein de la prestigieuse Maison Clinet. « C’est un métier passion, ce qui m’a fasciné dès le début, c’est le côté magique de la transformation du fruit en alcool ».

Dans un domaine d’excellence comme celui de Clinet, chaque détail a son importance. « La qualité du vin se joue dès la taille » reconnaît Nicolas qui pourtant n’intervient que bien après. Son rôle prend tout son sens au moment des vendanges, car c’est à partir de cet instant qu’il devient le garant du millésime. « La conduite du vignoble nous permet d’obtenir un vin de qualité, mais la technique de vinification a aussi son importance, rien n'est laissé au hasard ».

De la haute couture

Sur les treize hectares du domaine, onze sont exploités. Sur ce sol argileux poussent les deux cépages qui participent au vin élaboré par le maître de chai. Un nectar composé à 85 % de merlot et 15 % de cabernet sauvignon. Un choix unique, car habituellement on retrouve plutôt du cabernet franc en compagnie du merlot. « C’est la signature Clinet, cela lui apporte plus de structure et le rend plus soyeux ».

Pour arriver à ce résultat, le travail dans la vigne tout comme les attentions dans l’élevage apportent leurs contributions. « C’est de la haute couture » résume le jeune quadragénaire. Au mois de septembre, lorsque les raisins arrivent sur la table de tri après les vendanges manuelles, commence vraiment la partition jouée par le maître de chai. La première étape consiste à écarter les baies pour ne conserver que les meilleures. « On ne garde que le caviar, c’est l’or noir de Pomerol ».

Chaque parcelle récoltée est ensuite déversée dans une cuve pour procéder à la fermentation alcoolique. Au bout d'une quinzaine de jours environ, le jus est écoulé et le marc récupéré pour être pressé. Celui-ci est alors entonné dans les barriques pour laisser place à la deuxième fermentation : la fermentation Malo-lactique. Ce n'est qu'après cette étape que l'élevage commence pour une durée de seize mois. « D’octobre à mai, chaque barrique de chêne ne comporte qu’une seule récolte, puis nous faisons les assemblages entre les cépages et les parcelles pour un élevage de mai à décembre ».

Le joyau d’un groupe

Pendant que le vin gagne en rondeur dans les tonneaux, la partie commerciale s’orchestre. À la tête du Château Clinet depuis 2003, Ronan Laborde n’a pas de mal à trouver des débouchés pour ce produit premium. « Environ 94 % de la production est achetée en amont, lors des ventes primeur » explique le propriétaire.

Mais dès son arrivée aux manettes, le chef d’entreprise n’a qu’une seule idée en tête : se diversifier « pour ne pas dépendre uniquement de Clinet ». Pour cela, il développe une activité de négoce et rachète un petit domaine voisin, le Château Lecuyer. Aujourd’hui, si le Château Clinet ne représente que 10 % de la production du groupe avec 50 000 bouteilles, il constitue 50 % des 5 millions d’euros du chiffre d’affaires.

Même si l’opération diversification est une réussite, le fleuron joue encore le rôle de locomotive pour le reste du groupe. C’est aussi ce joyau qui lui permet de briller à l’étranger. Avec 90 % des ventes réalisées hors de l’hexagone, Ronan Laborde n’est pas inquiet pour l’avenir de ses bouteilles. « Avant, les ventes étaient concentrées essentiellement au Benelux et aux États-Unis, mais maintenant, de nouveaux marchés émergent avec un intérêt fort pour des vins de qualité ». En tant que Président de l’Union des Grands Crus de Bordeaux, le chef d’entreprise parcourt le monde pour participer à des salons viticoles. « Le vin n’est plus considéré comme une boisson, mais comme un élément de distraction et de rassemblement ce qui engendre une consommation plus exceptionnelle correspondant avec ce que nous faisons ».

Japon, Chine, Émirats Arabes Unis sont quelquesuns de ces nouveaux marchés s’ouvrant au vin. Autant de possibilités pour exposer et faire déguster le travail d’équipe des seize salariés du Groupe Clinet. Car un bon vin est le résultat d’une alchimie entre la main de l’homme et la nature. « Je ne suis pas un magicien » admet humblement Nicolas Herranz- Bros. « Avec du raisin de mauvaise qualité, je ne ferai pas de miracle ».