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Vie locale

Les Eaux-Bonnes : une station thermale sous l’égide de l’Impératrice Eugénie

© frdric - stock.adobe.com

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Niché à 750 m dans son écrin arboré au coeur de la Vallée d’Ossau, le village des Eaux-Bonnes porte en son bâti l’empreinte impériale d’Eugénie qui en fit une cité thermale de renom.

Si les bienfaits de ses eaux sont reconnus dès la Renaissance, la station des Eaux-Bonnes devint un lieu de villégiature prisé au 19e siècle : époque de l’essor du thermalisme et du romantisme. Sous l’influence de l’Impératrice Eugénie, elle connut une transformation urbaine et paysagère d’ampleur. Les bâtiments, jardins et promenades témoignent de la gloire d’antan de cette station « aux allures de belle endormie », selon l’expression employée par la chercheuse Viviane Delpech dans un dossier dédié au patrimoine des Eaux-Bonnes (1).

À la source

D’après Viviane Delpech, les sources de ce site béarnais sont fréquentées dès le Moyen-âge, mais c’est sous François Ier, au 16e siècle, que leurs propriétés cicatrisantes sont utilisées. Les soldats viennent y soigner leurs blessures causées par les tirs d’arquebuses, donnant à ces eaux bienfaitrices le nom « d’eaux d’arquebusades ». Les installations matérielles restent sommaires : un baquet de bois où chacun se glisse dans la même eau à tour de rôle. La chercheuse parle d’un « embryon de station » jusqu’à la fin du 18e siècle, période marquant un tournant : le père fondateur du thermalisme pyrénéen et médecin de Louis XV, Théophile de Bordeu, prône les vertus des eaux de la station. Il les recommande vivement dans le traitement des maladies respiratoires. Fort de cette réputation, l’aménagement urbain s’accélère et un établissement thermal, alimenté par le captage des sources, voit le jour dans les années 1830. La célébrité de son médecin thermal, Jean- Baptiste Darralde, assure la notoriété de l’établissement qui bénéficie également de l’engouement pour le thermalisme dans cette première moitié du 19e siècle. La station attire l’élite culturelle, comme Victor Hugo ou Eugène Delacroix, ainsi que la haute bourgeoisie : la présence de soufre oxydable dans les eaux leur confère un intérêt thérapeutique attesté dans les années 1840. Le coup de foudre La renommée des Eaux-Bonnes est amplifiée, lors de la première visite en 1852, d'Eugénie de Montijo de Guzman, comtesse de Téba qui n’est pas encore l’épouse de Napoléon III. Passionnée de thermalisme, Eugénie contribue au développement des codes et du folklore associés à cette pratique. Elle découvre les Eaux-Bonnes, accompagnée de sa mère et de sa soeur, en venant y soigner une maladie infectieuse. Séjournant à l’Hôtel de la Poste, Eugénie tombe en pâmoison pour ce village bordé d’imposants sommets et traversé par les torrents de la Sourde et du Valentin, jaillissant ici et là en cascades. Prise d’affection pour la station et reconnaissante pour ses eaux soulageant ses voies respiratoires, Eugénie, alors sacrée Impératrice en 1853, s’y rend à plusieurs reprises jusqu’en 1862. Elle séjourne tantôt à la Maison du Gouvernement, tantôt à l’Hôtel de la Poste, impulsant par ses visites des travaux d’aménagement et d’embellissement de la station.

La marque impériale

Si de grands projets urbains sont menés sous l’influence d’Eugénie, attardons-nous sur l’Hôtel des Princes, le Jardin Darralde et la Promenade de l’Impératrice. L’Hôtel des Princes, construit en 1860 dans un style néo-classique, en vue d’attirer une clientèle aristocratique en quête de loisirs, est l’édifice le plus spacieux de la station. Il comprend même un cours de tennis à flanc de montagne. La Cour y descend en 1861 lors d’un séjour de l’Impératrice. En cette année et à la demande d’Eugénie, le Jardin Darralde est baptisé du nom du Médecin thermal en guise de reconnaissance. Le Jardin est réaménagé pour procurer les plaisirs d’une vie de villégiature oisive et mondaine. Son kiosque, édifié en 1862, accueille diverses animations culturelles, tandis que des divertissements variés prennent place entre les massifs de roses et les arbres remarquables. Le Jardin Darralde, par son aménagement, contribue ainsi à plonger les visiteurs dans une atmosphère pittoresque. Un réseau de promenades vient renforcer l’appel à la flânerie et offre de superbes points de vue, accentuant l’ambiance romantique de la station. La Promenade de l’Impératrice est l’un de ces sentiers enchanteurs, cadeau de Napoléon III pour son épouse qui l’inaugura en 1861. Cette promenade de 3 km, aménagée dans un temps record, offre un panorama sublime sur les hauteurs de la commune des Eaux-Bonnes, comparée alors à un « petit Paris » pour sa splendeur architecturale à l’influence haussmannienne.

La fièvre thermale et son déclin

Ainsi, sous le règne d’Eugénie, les Eaux-Bonnes connaît un âge d’or qui atteint son apogée dans les années 1870-1880 : la commune « compte 700 habitants sédentaires pour 6 000 habitants durant la saison thermale », révèle Viviane Delpech. Ainsi, de grands programmes urbains et investissements architecturaux, tels que le somptueux Casino et autres hôtels luxueux, sont menés pour répondre à l’afflux de visiteurs voulant « prendre les eaux ». En effet, la notoriété de la station dépasse les frontières : elle fourmille d’artistes et de curieux, certains espérant croiser le chemin de la noblesse qui s’y délasse. De mai à septembre, chacun trouve son compte entre les bains, les excursions et les loisirs multiples. Les Eaux-Bonnes devient une étape clé d’un voyage pittoresque aux Pyrénées et l'une des stations thermales des plus huppées. Elle se voit même décerner une médaille d’argent pour la qualité de ses eaux à l’Exposition universelle de 1878. Afin d’assumer sa renommée, la commune investit, l’endettement s’accentue alors que la station thermale commence à s’essouffler dans les années 1890. Si l’activité thermale palpite de temps à autre, les Eaux-Bonnes écrira d’autres pages de son histoire en attendant de renouer avec son prestigieux passé qui résonne encore dans son architecture marquée du sceau impérial d’Eugénie. 

(1) Station thermale des Eaux-Bonnes, Dossier réalisé par Delpech Viviane, (c) Région Nouvelle-Aquitaine, Inventaire général du patrimoine culturel, (c) Université de Pau et des Pays de l’Adour, https://www.patrimoinenouvelle- aquitaine.fr/Default/doc/Dossier/83a90a4b- 51a1-49fa-936c-d56395643c1e