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Vie locale

Les CLOCHERS TRINITAIRES : une grâce Souletine

© FP

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Si la Soule est renommée pour ses pastorales et ses mascarades, elle se distingue également par de curieux clochers coiffant le sommet de ses églises : les fiers clochers trinitaires.

En voyageant en terre souletine, notre regard s’accroche aux hauts clochers des églises qui parsèment plaine et basse montagne. Notre œil n’est pas victime d’une illusion d’optique, en Soule les pinacles se comptent bien par trois. En effet, sur la soixantaine d’églises que comporte cette province dominée par le massif des Arbailles, une vingtaine sont à clocher trinitaire ou zeinütegi hirurkuna. Une particularité religieuse de la Soule même si des édifices similaires peuvent s’apercevoir en Basse-Navarre (Chapelle de l’Assomption de la Sainte Vierge d’Ibarre) ou en Béarn (Église Notre-Dame-de-l’Assomption d’Agnos). Selon Joël Larroque, ce professeur passionné d’histoire locale, cette spécificité des clochers souletins date de la fin du 16e siècle et du début 17e. À cette époque, la France sort péniblement des guerres de Religion qui ont ravagé le pays. Les provinces basques n’ont pas été épargnées, les églises catholiques de Basse Soule ont été dévastées par les protestants béarnais. Lorsque l’évêque de Maytie arrive à Mauléon, le temps est enfin à la pacification et à la reconstruction. J. Larroque explique qu’une visée pédagogique est à déceler à travers la réédification des églises : enseigner aux chrétiens un principe religieux fondateur, celui du Dieu unique en trois personnes distinctes (le Père, le Fils et le Saint-Esprit). Des clochers trinitaires s’érigent alors en Soule.

Une architecture religieuse caractéristique

En observant attentivement ces clochers, ceux-ci se dressent sur la façade plate de l’église opposée à l’abside. Pour cette raison, « ce clocher est parfois qualifié de clocher-mur », relate l’historien Gilbert Desport. Ces clochers-murs se retrouvent sur l’ensemble du territoire basque et prennent des formes diverses : « terminaisons rectangulaires, trapézoïdales, incurvées ou arrondies, sommées de boules ou de pinacles », décrit le bascologue Philippe Veyrin. Toutefois, ce spécialiste reconnaît que les clochers-murs souletins revêtent une allure des plus originales. En effet, la crête du mur est coiffée par trois grandes pointes, les pinacles, d’une hauteur égale à quelques exceptions près, et surmontés d’une croix chrétienne. Selon des experts en art religieux, ces trois pinacles figureraient la Trinité d’où leur nom de « clocher trinitaire ». Ce chiffre trois pourrait également évoquer les trois vertus théologales : la foi, l’espérance et la charité, comme le mentionne G. Desport. Par ailleurs, une distinction architecturale peut être faite parmi les clochers trinitaires. Certains possèdent un pinacle central un peu plus élevé que les deux pinacles latéraux. Les spécialistes y voient une allégorie de la Crucifixion du Christ et donnent à ces clochers le nom de « clocher trinitaire-calvaire ». Selon les écrits bibliques, des deux côtés de la croix du Christ se trouvaient deux larrons, le bon et le mauvais. L’un sollicita le pardon de Jésus et le rejoignit, l’autre n’en fit rien et resta seul avec sa douleur. Ainsi, le pinacle central des clochers calcaires est appelé « pinacle du Christ » et les deux autres « pinacles des larrons ». Quelle que fût la motivation des bâtisseurs, l’œil novice du visiteur ne manquera pas d’être capté par l’élégance de ces pointes de pierre élancées vers le ciel.

À la découverte des clochers trinitaires

En entrant en Soule, baignée par la douce luminosité du soleil levant, la vision de ces églises au petit cimetière ponctué de stèles discoïdales émerveille. Les clochers sonnent leurs heures, immuables sous la légère brise, emportant le chant des oiseaux à peine dérangé par le vrombissement des tracteurs. Que ces églises soient excentrées ou en plein bourg, chacune dégage une aura particulière. La plupart de celles couronnées de clocher trinitaire sont concentrées le long de la vallée du Saison, autour de Mauléon-Licharre, bien que certaines se dispersent au-delà. G. Desport dresse une liste des plus caractéristiques, dont pour celles à clocher trinitaire : l’Église Sainte-Lucie d’Arrast-Larrebieu, l’Église Saint-Jean-Baptiste de Charritte-de-bas, ainsi que l’Église Saint-Jean-Baptiste de Libarrenx avec son cadran solaire suranné et sa vielle horloge ornant son clocheton d’ardoises et de bois mêlés. Concernant celles au clocher trinitaire-calvaire, dans leurs rangs comptent : l’Église Saint-Martin d’Aussurucq, l’Église de l’Assomption d’Abense-de-Bas, ainsi que l’Église Sainte-Catherine d’Undurein, superbement restaurée et offrant une vue sublime sur la cime du pic d’Anie. Toutefois, l’une des plus belles églises de Soule avec son célèbre clocher trinitaire-calvaire demeure celle de Gotein.

L’Église Saint-André de Gotein

Située entre Mauléon-Licharre et Tardets, l’Église Saint-André de Gotein est bien campée sur une jolie place bordée de larges platanes, entre le fronton marqué du lion souletin et la coquette Mairie. L’Église de Gotein est l’une de plus connues de Soule car c’est l’une des plus typiques : « un modèle parfait d’architecture souletine » écrit G. Desport. Datée du 17e siècle, cette magnifique église affiche un clocher trinitaire-calvaire coiffant superbement son fronton à la cloche carillonnante. Sa lourde porte d’accès se découvre sous l’imposant porche-auvent en ardoises grises et aux murets de pierres apparentes. À sa gauche, un escalier extérieur conduit à la grande tribune formant un étage de plusieurs rangées de sièges en bois. À cette tribune surplombante s’accole un étroit escalier intérieur qui permet aux paroissiens de descendre communier et aux visiteurs de cette église, toujours ouverte aux curieux, d’y grimper. L’intérieur de l’Église de Gotein nous saisit par la simplicité de sa beauté mâtinée d’art baroque. À l’extérieur, les cyprès s’élevant du petit cimetière fleuri semblent répondre en cœur au clocher trinitaire-calvaire qui se découvre de dos. Une harmonie parfaite.