Instauration du droit de préemption commercial à Bayonne
Face à des pratiques de consommation soumises à des évolutions constantes et à des dynamiques commerciales extrêmement rapides, le maintien d’un tissu commercial et artisanal diversifié et dynamique est un objectif majeur pour les élus locaux.
En effet, si le commerce en centre-ville est avant tout dépendant du contexte socio-économique de son territoire, il est aussi très sensible au bon équilibre des concurrences au sein de l’appareil commercial.
Aussi, la prolifération d’activités identiques sur un périmètre restreint au sein d’une même ville (restauration rapide, CBD shop, agences immobilières…) contribue incontestablement à évincer certains commerces pourtant essentiels au quotidien des habitants, menant ainsi à une fragilisation du tissu commercial et artisanal et à une dévitalisation du centre-ville.
La diversité de l’offre commerciale et artisanale est donc une force que la Ville de Bayonne qui compte près de 1 000 commerces, entend bien préserver et échapper ainsi, à un phénomène de standardisation de l’offre commerciale des rues du centre-ville.
Par ailleurs, l’artisanat représente une composante très importante du tissu économique du coeur de ville bayonnais, c’est la raison pour laquelle la Mairie souhaite préserver l’accès à des locaux abordables pour les artisans et métiers d’art. C’est donc au regard de l’ensemble de ces considérations et sur la base d’un diagnostic territorial préalable établi courant février 2023, que la Ville a décidé d’employer un outil juridique instauré par la loi n° 2005-882 du 2 aout 2005, modifié par la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 et codifié à l’article L.214-1 du Code de l’Urbanisme : le droit de préemption commercial des communes.
Ainsi, selon délibération motivée votée à l’unanimité en date du 5 avril 2023, le Conseil municipal a délimité et approuvé un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité à l’intérieur duquel est instauré un droit de préemption sur les cessions de fonds de commerce, fonds artisanaux, baux commerciaux et terrains portant ou destinés à porter des commerces d’une surface de vente comprise entre 300 et 1 000 m².
À noter que consultées préalablement, les Chambres consulaires ont accueilli favorablement cette mesure, ces dernières rappelant toutefois que : « pour ne pas porter atteinte à la liberté de cession des fonds et de transmission des entreprises et plus généralement à la liberté d’entreprendre, l’exercice du droit de préemption par la Mairie devra toutefois revêtir un caractère exceptionnel motivé par l’intérêt général. »
Rappelons que seules les aliénations à titre onéreux et volontaires sont concernées. Sont donc exclues du périmètre de ce nouveau dispositif les transmissions à titre gratuit (successions, donations, legs), la simple conclusion d’un nouveau bail avec un nouveau preneur, ainsi que les contrats dépourvus d’effets translatifs (location-gérance et crédit-bail), de même que les cessions intervenant dans le cadre de procédures collectives.
Délimitation du périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat applicable
À ce jour, le périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat englobe deux secteurs de la ville : le secteur de l’hypercentre, constitué des 3 entités historiques de Bayonne (Petit Bayonne, Grand Bayonne et Saint-Esprit), ainsi que le secteur de la place des Gascons.
Déclaration préalable du vendeur, mode d’emploi
Tout vendeur souhaitant céder son fonds artisanal, de commerce ou bien encore son bail commercial ou terrain à vocation commerciale est désormais subordonné à l’obligation de matérialiser une déclaration préalable auprès des services de l’urbanisme de la Ville.
La mise en oeuvre du droit de préemption commercial est effective depuis le 2 mai 2023.
Toutes les cessions intervenant postérieurement à cette date sont assujetties à l’obligation de déclaration préalable, peu importe que le compromis de vente ait été signé avant cette date, seule la date de réitération est prise en considération.
Dès lors, les praticiens devront veiller à purger préalablement le droit de préemption auprès de la Mairie, sous peine de nullité de la vente (l’action en nullité se prescrit par 5 ans à compter de la prise d’effet de la cession). Pour ce faire, les déclarations d’intention d’aliéner doivent être faites par lettre recommandée avec avis de réception ou par voie dématérialisée depuis le site officiel de la Ville de Bayonne.
Le dossier devra être établi en quatre exemplaires et comporter les pièces suivantes :
- formulaire cerfa numéro 13644*02,
- prix et conditions de la cession envisagée,
- activité de l’acquéreur pressenti,
- nombre de salariés du cédant et nature de leur contrat de travail,
- chiffre d’affaires réalisé par le cédant,
- copie du bail commercial,
Exercice du droit de préemption commercial par la Mairie
La commune disposera alors d’un délai de deux mois à compter de la réception de la déclaration préalable pour se prononcer et notifier sa décision au vendeur. À défaut de réponse durant cette période, la commune est réputée avoir renoncé à son droit de préemption. Le vendeur pourra alors conclure la cession avec l’acquéreur pressenti.
Dans l’hypothèse où la commune déciderait de préempter, elle est alors tenue d’en informer le vendeur par courrier recommandé avec avis de réception et copie à son bailleur.
La commune dispose ensuite d’un délai de trois mois pour conclure l’acte de cession à compter de l’accord sur le prix et sur le local.
Cette décision n’est pas neutre financièrement pour la commune puisqu’à compter de cette date, elle est ainsi tenue d’assumer le paiement des charges et des loyers afférents au contrat de bail ainsi que le paiement éventuel des salaires dans l’hypothèse où des salariés seraient attachés au fonds.
Pour autant, la commune ne reste propriétaire des biens préemptés que provisoirement puisqu’elle est tenue, dans un délai de deux ans à compter de la prise d’effet de l’aliénation à titre onéreux, de rétrocéder le fonds de commerce à une entreprise en vue d’une exploitation destinée à préserver la diversité de l’activité artisanale et commerciale dans le périmètre concerné. À noter que la Mairie a également la faculté de mettre le fonds en location-gérance sur une période maximale de trois ans.
La rétrocession du bien fait l’objet d’un cahier des charges précisant les conditions de sa future utilisation puis d’un appel à candidatures. La rétrocession du bail commercial nécessite, à peine de nullité l’accord du bailleur qui doit figurer dans l’acte de rétrocession.
Si elle n’a pas trouvé de repreneur dans le délai de deux ans, l’acheteur qui souhaitait initialement acquérir le bail ou le fonds bénéficie d’un droit de priorité d’acquisition du bien concerné.
Quelle articulation opérer en cas de concours entre droit de préemption/droit de préférence/ droit d’information ?
Les communes n’étant toutefois pas les seules à bénéficier d’un droit de priorité, des conflits entre différents titulaires revendiquant des droits pour l’acquisition d’un même bien peuvent se poser :
- Droit de préférence du bailleur en cas de cession du fonds. Certains contrats de baux commerciaux prévoient que le bailleur aura un droit de préférence en cas de cession du fonds de commerce. Dans cette hypothèse, la commune qui entend préempter demeurera prioritaire dès lors que son droit résulte de la loi et non d’une clause contractuelle. Le droit de préférence du bailleur s’en retrouvera donc écarté.
- Droit d’information préalable des salariés en cas de cession du fonds. L’article L.141-23 du Code de commerce confère un droit d’information préalable aux salariés en cas de vente du fonds de commerce, leur donnant ainsi la possibilité de présenter une offre de reprise du fonds de commerce. Pour autant, dans les faits, ce droit est très limité et ne confère à ces derniers aucun droit réel de préférence ni de priorité à l’achat puisque le vendeur demeure libre d’accepter ou non l’offre sans même devoir motiver son refus.
Ici encore la commune restera donc prioritaire sur le salarié en cas de volonté de préempter le fonds.
- Droit de préférence du preneur en cas de vente des murs commerciaux.
Il sera rappelé que depuis la loi Pinel n° 2014-626 du 18 juin 2014, le locataire commercial bénéficie d’un droit de préférence instauré par l’article L. 145-46-1 du Code de commerce, lui permettant d’acquérir en priorité les murs commerciaux du local mis en vente. Jusqu’à récemment une incertitude relative à l’articulation devant s’opérer entre droit de préférence du locataire commercial et droit de préemption urbain exercé par la commune demeurait toutefois. Qui de la collectivité territoriale ou du locataire doit l’emporter en cas d’exercice cumulatif des deux droits de priorité ?
Une réponse à cette question a été apportée par la loi « 3DS » n° 2022-217 en date du 21 février 2022, laquelle a établi une hiérarchie entre ces différents droits en retenant que le droit de préférence du locataire devra être écarté au profit de la commune lorsque les locaux font l’objet de préemption sur le fondement du Droit de Préemption Urbain (DPU), en Zone d’Aménagement Différé (ZAD) ou dans les périmètres provisoires de ZAD prévu par le code de l’urbanisme.
Le droit de préférence du locataire commercial est donc écarté en cas de droit de préemption urbain.
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