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Vie quotidienne

Écrans et enfants : quelle attitude adopter ?

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Ils sont absolument partout ! Vouloir le nier est sans doute une erreur à ne pas commettre. Les écrans - smartphones, télévisions, tablettes, ordinateurs, écrans géants - font désormais partie de notre quotidien, et à moins d’habiter dans la plus haute pièce de la plus haute tour, sans aucun accès à l’électricité ni aux différents réseaux Internet, il semble impossible d’y échapper. Si l’État français, par la voix de l’Arcom (CSA + Hadopi) et du ministère de la Santé, préconise un schéma strict concernant l’attitude à adopter avec les enfants, peut-être que le sujet n’est pas aussi tranché qu’il n’y paraît et qu’il faut tout simplement faire preuve de bon sens, d’autant plus à l’approche des grandes vacances quand il s’agit d’occuper sa progéniture alors que la météo nous joue des tours ou que l’on doit (télé)travailler.

Que dit la science ?

Depuis plusieurs années, les études scientifiques s’enchaînent et attestent presque toutes des effets nocifs des écrans sur le cerveau des enfants. Sommeil, surpoids voire obésité, vision, langage, attention et concentration, développements cognitifs, performances scolaires, effets neurologiques, dépression et anxiété… rien n’est mis de côté et tout semble converger vers une même conclusion : les écrans sont mauvais !

Prenons l’exemple d’une étude consacrée au développement cognitif du cerveau des enfants américains de 9 à 10 ans, les résultats préliminaires rendus en 2018 semblent confirmer que ceux qui passent plus de sept heures par jour (c’est énorme !) devant un écran présentent un amincissement prématuré du cortex… Pour autant, rien n’est dit concernant les conséquences de cette modification sur le long terme. En effet, même si l’ensemble de ces études est à prendre avec beaucoup de sérieux, il faut d’une part les lire intégralement pour avoir une vision précise des données analysées et d’autre part garder à l’esprit que, pour le moment, elles ne bénéficient pas suffisamment de recul pour pouvoir affirmer avec certitude des séquelles éventuelles que les écrans peuvent engendrer sur le cerveau des enfants.

Faut-il alors, par prévention, bannir les écrans pour toujours ? Rien n’est moins sûr, car certaines études se contredisent entre elles. Revenons donc à cette étude américaine. Parallèlement, en Angleterre, l’Oxford Internet Institute a utilisé les mêmes données pour arriver à une conclusion opposée, montrant une « corrélation positive » entre le temps passé Écrans et enfants : quelle attitude adopter ? devant les écrans et les fonctions psycho-cognitives, l’effet devenant bénéfique « à partir de 5 heures et 8 minutes d’exposition par jour ». Mais une fois encore, cette étude ne s’attaque pas à l’intégralité de la question. En effet, la très grande majorité des recherches actuelles se focalise sur le temps passé devant les écrans et occulte presque de facto les contenus qui y sont visionnés. Or, peut-être faudrait-il considérer le fond au moins autant que la forme ?

Faire preuve de bon sens

Boris Cyrulnik, psychiatre français reconnu mondialement, est catégorique : aucun écran avant 3 ans ! Et à sa suite, pouvoirs publics et autres experts persistent et signent. Mais est-ce si simple, lorsque nos chères têtes blondes sont sans cesse exposées à des écrans où qu’ils aillent, même dans les lieux où l’on pourrait penser ne pas en trouver, et malgré la vigilance extrême de certains parents.

Dès le plus jeune âge, combien de crèches, par exemple, comptent un écran tactile à l’entrée pour «  pointer  » les arrivées et les départs  ? Sans compter les écrans disséminés partout dans les centres commerciaux, les parcs d’attractions, dans la famille plus ou moins proche, chez les amis, etc. Si le temps sur les écrans est facilement mesurable, il est, nous l’avons vu, beaucoup plus difficile de mesurer l’impact réel des contenus. Il est ainsi évident que des jeux éducatifs ou interactifs ne sollicitent pas du tout le cerveau d’un enfant de la même façon que lorsqu’il regarde passivement la télévision ou un enchaînement de vidéos sur internet.

En septembre 2020, une méta-étude (analyse statistique de plusieurs études) de la JAMA Pediatrics, aux États-Unis, a montré qu’il n’existe aucun lien entre le temps passé sur les écrans et les performances scolaires, mais qu’en revanche, la télévision et les jeux vidéo à outrance entraînent bien de moins bons résultats scolaires en mathématiques et en langage. Une autre approche vise alors à accompagner l’enfant dans l’apprentissage des écrans, et à ne jamais le laisser vivre l’expérience seul. Il est possible de les proposer raisonnablement, en instaurant un cadre temporel, en choisissant le programme et le contenu avec son enfant, en étant au maximum présent pendant le visionnage ou le jeu afin de pouvoir interagir avec lui, en répondant immédiatement à ses angoisses éventuelles.

Une fois la session terminée, il peut également être important de « débriefer » afin de ne rien laisser en suspens.

Maja Milailovik, fondatrice et directrice pédagogique de l’Institut Are pour un accompagnement respectueux des enfants, prône elle aussi cette approche de partage de l’expérience des écrans et invite les parents à prendre conscience de l’importance d’en maîtriser les contenus.

Elle met notamment en garde les adultes sur une série de dangers assez courants : la violence non maîtrisée, les représentations hypersexualisées, le racisme, le sexisme, la misogynie, la pédocriminalité, la pornographie, le cyberharcèlement, etc. Elle invite donc les parents à prendre leurs responsabilités, à s’informer préalablement sur ces dangers, idéalement à contrôler les contenus avant et pendant l’usage, à être attentifs et observer les enfants pendant ces temps d’utilisation et enfin à ne pas hésiter à rétropédaler si en cours de route le contenu ne s’avère pas adapté.

En somme, tout ceci relève du bon sens. Il n’est pas question de tomber dans les extrêmes, car cela n’apporte en général rien de bon. Vouloir isoler un enfant des écrans et l’empêcher d’y avoir accès serait nier l’évolution de la société et sans doute entraîner sa marginalisation en le privant d’une culture populaire immensément riche. A contrario, lui laisser un accès total et sans contrôle pourrait avoir de lourdes conséquences sur sa perception du monde et ses interactions sociales. Il est donc important de veiller à un équilibre permanent, même si cela relève davantage de l’équilibrisme et de l’adaptation.

« 10 jours sans écrans »

Du 7 au 16 juin 2022, l’association 10 jours sans écrans – 10 egunez pantailak utzi, basée à Bayonne, proposait un défi collectif assez simple : l’ensemble des enfants et adolescents des crèches, écoles, collèges et lycées participants (241 structures, soit 34 543 jeunes, inscrites partout en France) devait vivre 10 jours sans écrans de loisirs (télévision, tablette, ordinateur, console de jeux, smartphones…). En contrepartie, ils étaient invités à participer à des activités organisées par les établissements, les parents, les associations ou les collectivités territoriales, sur les temps habituellement consacrés à ces écrans.

Chacun pouvait remporter un point chaque fois qu’il parvenait à se passer d’écran sur cinq temps précis de la journée  : le matin avant d’aller à l’école, à midi, au retour de l’école, pendant le repas du soir, avant de se coucher. Le défi était mené collectivement par les élèves, les professeurs et les parents, et chacun devait faire part au quotidien des difficultés rencontrées.
Ce défi, initié en 2018 dans la vallée d’Hergarai (Basse-Navarre) et proposé annuellement depuis, prend une réelle ampleur sur tout le territoire et repose sur la liberté et l’honnêteté. Chacun le fait à son rythme, en fonction de ses capacités, et peut le quitter à tout moment.