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Vie locale

Artisanat, ALERTE ROUGE sur l’apprentissage

Gérard Gomez, Président de la Chambre de Métiers et de l’Artisanat Nouvelle-Aquitaine © Claude Petit

Gérard Gomez, Président de la Chambre de Métiers et de l’Artisanat Nouvelle-Aquitaine © Claude Petit

Alors que la rentrée s’annonce plutôt positive au niveau des effectifs, le Président de la Chambre des Métiers et de l’Artisanat Nouvelle-Aquitaine tire la sonnette d’alarme quant au financement revu à la baisse de l’apprentissage par l’État.

Gérard Gomez est inquiet : « Le Gouvernement ne nous soutient plus ». Le Président de la CMA régionale n’y va pas par quatre chemins : « La décision unilatérale pourrait être fatale à nombre de formations ». La mauvaise nouvelle est arrivée par un décret du 7 septembre 2023 qui prévoit une nouvelle diminution des niveaux de prise en charge des « coûts contrats ». Une baisse globale de financement évaluée à 5 % s’ajoutant à la première baisse de 2,5 % décidée il y a un an. Un paradoxe quand l’on sait la volonté affichée par le Président de la République d’atteindre le million d’apprentis à l’horizon 2027.

« Un très mauvais coup porté à l’artisanat »

Le nouveau référentiel de calcul se traduit par une diminution de 8 % du financement des formations dites « emblématiques » de l’artisanat de premier niveau (CAP). 57 % des formations deviendraient déficitaires. Une quinzaine de CAP seraient ainsi en danger : boucher, charcutier-traiteur, coiffure, esthétique, carrosserie. Un CAP Boulanger passerait d’un financement de 6.680 euros à 6.015 euros. « À l’heure actuelle, certaines formations excédentaires compensaient celles déficitaires. Cela ne sera plus possible. Certains investissements pourraient être remis en cause ». Gérard Gomez prenait l’exemple d’un apprenti en métiers de bouche qui, comme « avant », apprendrait à ficeler un rôti avec un rondin de bois, faute de pouvoir payer la matière première…

Le Président craint pour les années à venir et parle des décisions difficiles qui devront être prises si tout reste en l’état. Certains territoires en milieu rural et certaines formations aux métiers de niche, tels que la coutellerie ou la maréchalerie sont menacées. Elles pourraient être amenées à disparaître à moyen terme. 

Selon le Président, les nouvelles règles de calcul mettent sur un même plan l’apprentissage dans l’artisanat et dans le supérieur. « Le financement pour un master en droit des affaires diminue de 1,25 %, tandis que celui d’un CAP Boulanger ou d’un CAP Boucher baisse de 10 %. Cette nouvelle règle ne prend pas en compte les spécificités de fonctionnement de nos infrastructures de formation. Dans un laboratoire de boulangerie, nous pouvons placer 12 apprentis, pas plus ; dans un amphi d’école, on peut en mettre 100, et s’ils sont un peu plus nombreux on ne verra pas beaucoup de différence », martelait-il. « Et pour former un boucher, un boulanger, un mécanicien ou un coiffeur, cela suppose des locaux adaptés, des ateliers, de la matière première et des salles de cours théoriques pour des effectifs dépassant rarement la douzaine ».

Un secteur dynamique

« Cette décision intervient alors que l’apprentissage dans l’artisanat connaît une véritable confiance des entreprises », souligne Gérard Gomez. Les chiffres de la rentrée sont bons avec une légère augmentation des effectifs (+ 3 %), même s’il faudra attendre 2 ou 3 mois pour obtenir des données totalement fiables. On compte plus de 12 700 apprenants au 15 septembre 2023 dans les CFA, ce qui représente l’un des plus gros formateurs de la région. Avec un tiers du sexe féminin. Top 3 des formations : Bouche (31 %), Automobile (27 %) et Services (26 %).

Au niveau des métiers, la boulangerie-pâtisserie arrive en tête devant l’entretien/réparation et la coiffure. Les taux d’emplois constatés sont en augmentation par rapport à ceux attendus, l’Université des Métiers de Bayonne gagnant par exemple 6 points. Concernant les indicateurs de performance, 84 % des apprenants ont obtenu un diplôme ou un titre, avec un peu plus de 40 % souhaitant continuer leurs études. Indice très important : le taux de satisfaction des entreprises évalué à 80 %. Par rapport aux investissements, plusieurs grands chantiers seront achevés en 2022 avec le Conseil Régional Nouvelle-Aquitaine, partenaire financier principal, et la participation de nombreuses collectivités et bien entendu l’État.

Les CMA décidées à se battre

Le réseau des Chambres de Métiers et de l’Artisanat appelle à une véritable concertation pour notamment affiner les calculs dans ces CAP majeurs. Et au-delà, établir un financement durable de l’apprentissage en France. Par ricochet, c'est l'avenir d'un grand nombre de professions artisanales qui est en jeu. « Nous sommes prêts à entamer le dialogue », précise Gérard Gomez. « Il faut nous donner les moyens de former les jeunes ». Le responsable régional est déterminé et annonce que le combat n’est pas terminé. « La formation n’est pas une dépense, mais un investissement… pour nos jeunes, nos entreprises, nos territoires ».