Prévoir l’intensité des sécheresses à partir du débit des rivières
L'INRAE coordonne un outil opérationnel de prévision des débits des rivières qui aide les services de l’État à anticiper les sécheresses sévères, de manière à prendre les mesures de restriction de consommation d’eau adaptées. Trois questions à Vazken Andréassian, hydrologue à INRAE et directeur de l’unité de recherche impliquée.
Quel est l’apport de l’outil développé par la recherche ?
Vazken Andreassian : Suite à des sécheresses sévères, le débit des cours d’eau peut diminuer fortement. Dans certaines régions, cela peut affecter jusqu’à l’accès à l’eau potable, qui doit alors être livrée par camions. Il est donc très important d’anticiper ces situations pour mieux les gérer. Les services de l’État surveillent étroitement les débits des rivières grâce à de nombreuses stations de mesure situées le long des cours d’eau. Les résultats sont consignés dans une base de données nationale (HYDRO).
L’outil que nous avons développé (PREMHYCE) permet, à partir de ces données et grâce à la modélisation, d’anticiper l’évolution des débits de rivières à court et à moyen terme. À court terme (de 15 à 90 jours), cela permet de prévoir le niveau de restriction d’usage de l’eau nécessaire en fonction des débits prévisibles. Ces décisions sont prises par arrêtés préfectoraux.
Comment fonctionne cet outil ?
V. A. : Concrètement, c’est un site web qui agrège plusieurs modèles de prévisions (1). Les prévisions à court terme (15 jours) utilisent les prévisions des pluies. Au-delà de 15 jours, c’est une approche climatologique qui entre en jeu : les prévisions de débit sont basées sur les relations observées entre le climat et le débit des rivières sur de nombreuses années. Les données qui alimentent les modèles (environ un millier de stations) sont choisies de manière à être représentatives de l’état des cours d’eau et à couvrir tout le territoire. On ne choisit pas par exemple des stations de mesure qui se trouvent juste en aval d’un barrage, dont le débit dépend non pas des pluies, mais des lâchers de l’exploitant. Les services de l’État (DREAL (2)) reçoivent les prévisions issues des différents modèles, avec leurs incertitudes. Ils analysent ces résultats sur le court et le moyen terme pour informer aux mieux les services des préfectures.
Pourquoi comparer les données des débits de rivières entre 1976 et 2022 ?
V. A. : Ce questionnement revient régulièrement dans les médias. C’est une comparaison fondée, dans la mesure où 1976 est l’année de la précédente sécheresse comparable à celle de cette année, par son ampleur et sa généralisation à tout le territoire français. En ce début du mois d’août, la comparaison des données de débits en rivière entre 1976 et 2022 confirme que ces sécheresses sont comparables et de grande ampleur. Celle de cette année est plus marquée à l’est de la France, mais un peu moins marquée à l’ouest que celle de 1976. Les épisodes de sécheresse sévère surviennent en France de façon récurrente (les précédents datent de 1921 et 1949). Il faut être vigilant, car les travaux du GIEC indiquent une augmentation probable de la fréquence de ces sécheresses de grande ampleur, et surtout, il faut anticiper leurs conséquences et agir !
1. Modèles météorologiques, climatiques et hydrologiques d’INRAE, du BRGM, d’Electricité de France, de l’Université de Lorraine et de Météo France.
2. DREAL : Directions Régionales de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement.
Source : INRAE
Mesures exceptionnelles dans le 64
Un nouveau comité départemental de sécheresse a été organisé le 18 août à la préfecture des Pyrénées-Atlantiques. Le manque de précipitations sur l’ensemble du département depuis le printemps (environ 30 % de déficit pluviométrique), avec un mois de juillet extrêmement sec, a conduit à des niveaux très bas pour les cours d’eau et les nappes phréatiques. Les épisodes de canicule ont abaissé ces niveaux. Malgré une situation météorologique récente plus favorable, en particulier sur le territoire de la Communauté d’agglomération du Pays Basque, le niveau de ressource en eau restait faible. Afin de maintenir un débit minimum et un bon état des eaux des cours d’eau, des mesures de restriction ou d’interdiction ont déjà été prises pour l’irrigation, en concertation avec la profession agricole. Du fait des faibles volumes restant dans les différents ouvrages de réalimentation du nord-est de département, des mesures de restrictions de l’irrigation complémentaires s’appliquaient depuis le 12 août pour optimiser la ressource encore disponible et prolonger le soutien d’étiage des cours d’eau. Afin d’y préserver les usages prioritaires de l’eau potable (santé, salubrité, sécurité civile) et éviter les pénuries, des mesures de limitation des usages non essentiels de l’eau potable ont été prises sur 103 communes.
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