Maison MONTAUZER, le goût d’autrefois
Du 4 au 7 avril, les bords de Nive accueillent la traditionnelle Foire au Jambon de Bayonne. Parmi les dix-huit charcutiers et salaisonniers présents, figure la Maison Montauzer. Quelques jours avant l’ouverture de ce temps fort, Christian Montauzer nous a ouvert les portes de son atelier de production situé à Bardos.
Dans son séchoir, Christian Montauzer a le sourire aux lèvres. Ici, l’homme évolue comme un poisson dans l’eau au milieu des sept mille cuisses en train de sécher à l’air libre. Passant dans les rangées, il ne peut s’empêcher de tâter une cuisse et de sortir son aiguille taillée dans le péroné de cheval pour humer le coeur de l'une de ses productions. « Je viens les toucher tous les jours, même le dimanche » avoue celui qui est tombé dans le chaudron tout petit.
S’il est très populaire aujourd’hui, l’histoire du Jambon de Bayonne ne date pas d’hier. Pour s’en rendre compte, il suffit de se promener dans les rues d’Oloron-Sainte-Marie pour y apercevoir, sur le fronton de la Cathédrale, une cuisse de cochon séchée, sculptée vers 1120. Quatre siècles plus tard (1534), François Rabelais faisait dévorer à son héros Gargantua, de délicieux jambons de l’Adour. Si ce produit du terroir traverse les époques pour parvenir jusqu’aux papilles du 21e siècle, c’est certainement grâce au travail d’artisans passionnés. Ceux-ci perpétuent le savoirfaire et parmi eux, la Maison Montauzer constitue l'un des ambassadeurs de ce produit d’exception. En 1946, c’est René, le grand-père de Christian, qui démarre l’aventure Montauzer, à quelques kilomètres de là, à Guiche. Avec ses fils, la petite entreprise artisanale prend une autre ampleur. Dans les années 1960, Jacques et Jean développent l’affaire, la structurent et érigent les bâtiments au pied du Château de Guiche. Aujourd’hui, la troisième génération est aux commandes avec Christian et sa cousine Nelly. Ces derniers vont marquer un virage important dans l’histoire de l’entreprise familiale avec un déménagement de l’activité.
Près de 8 décennies en pays Charnegou
Christian en a eu le coeur lourd, mais il fallait s’y résoudre. Les bâtiments de Guiche étaient devenus obsolètes. L’année 2020 opère alors un tournant avec l’emménagement dans les nouveaux locaux de Bardos. « Notre but est de pérenniser, pour cela il fallait partir sur de nouvelles bases, avec de nouvelles normes ». Le tout en restant fidèle à ses racines, sans quitter ce pays Charnegou, aux confins du Pays Basque, du Béarn et des Landes. C’est désormais sur la commune de Bardos que la Maison Montauzer perpétue la tradition. Depuis fin 2020, les équipes s’affairent ici pour élaborer l’ensemble de la gamme. « Tout est fait sur place », rappelle fièrement le chef d’entreprise. Pâtés, boudins, saucissons, ventrèches, plats préparés… les 3 000m² modernes façonnent et cuisinent des produits charcutiers dont la star incontestée est sans aucun doute le jambon.
Les cuisseaux sont ici salés, comme le veut le cahier des charges de l’IGP (Indication Géographique Protégée), avec du sel de Salies-de-Béarn. Une tradition qui remonterait au 14e siècle. Selon la légende, Gaston Fébus (Comte de Foix, Seigneur de Béarn et Coprince d’Andorre) aurait blessé un sanglier lors d’une partie de chasse. L’animal s’enfuit et tombe dans une source salée. Plusieurs mois plus tard, la bête est retrouvée dans un parfait état de conservation et c’est ainsi que serait apparue la tradition de la salaison sur le bassin de l’Adour. Chez Montauzer, cette étape se réalise à la main. « Le sel pénètre au coeur du jambon, ainsi l’eau s’évapore et il sert de conservateur ». Enveloppée durant quinze jours dans une couche blanche, la cuisse est ensuite dessalée. Une opération autrefois faite à l’eau, et désormais effectuée avec une machine souffleuse. Après cette étape, les jambons vont être renversés et suspendus sur des balancelles qu’ils ne quitteront plus jusqu’à la fin du processus.
« Traditionnellement, on tuait le cochon en décembre dans nos fermes, car il faisait froid » rappelle Christian Montauzer. Tout l’enjeu, dans l’atelier de Bardos, est de reconstituer ces conditions naturelles en déplaçant les balancelles par étapes. Dans chaque salle, le jambon s’acclimate à une nouvelle température, augmentée de quelques degrés, pour finir par le séchoir à l’air libre situé à l’étage.
La modernité au service de la tradition
Calés sur des rails situés en hauteur, les jambons voyagent ainsi au sein de l’atelier sans effort physique pour les salariés. « Avant, chaque déplacement se faisait à la main, on grimpait à l’échelle avec le jambon sur l’épaule », se remémore-t-il. Le travail sur la pénibilité, lors de la conception des nouveaux locaux, a considérablement amélioré les conditions de manutention de la trentaine de collaborateurs en production auxquels s’ajoute une dizaine de personnes sur les cinq boutiques (Bayonne, Biarritz, Anglet, Peyrehorade et Bardos). Si l’IGP exige un séchage d’au moins sept mois pour les Jambons de Bayonne, le curseur est poussé plus loin ici. « Chez moi, c’est douze mois minimum, voire treize ou quatorze ». Une méthode qui plaît aux palais des clients et qui permet à l’entreprise de développer un chiffre d’affaires annuel de 5,8 millions d’euros. Même si la petite activité du grand-père s’est transformée en un site produisant 20 000 jambons par an, l’ingrédient principal se transmet de génération en génération. « Ce n’est pas compliqué de faire du jambon, mais ce n’est pas si simple, ce qu’il faut avant tout : c’est prendre le temps ». Toujours animé par le feu de la passion, Christian Montauzer est un homme heureux. Surtout depuis qu’il sait que la transmission vers la quatrième génération est assurée. Désormais intégrés dans l’entreprise, sa fille Anaïs et son neveu Mathieu ont rejoint l’aventure pour continuer à délivrer des saveurs d’antan. Leur but reste le même : préparer « une charcuterie de campagne, comme autrefois à la maison ».
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