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Vie locale

Le TRÉSOR historique et linguistique du Dauphin de Louisbourg

© YR

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Oubliées pendant plus de 250 ans, 171 lettres en français et en basque ont été retrouvées dans les archives britanniques. Transportées au 18ème siècle en provenance de Bayonne et à destination de Louisbourg (Canada), elles n’avaient jusqu’alors, jamais été ouvertes. De ce trésor historique est né un ouvrage sous la direction de Charles Videgain et Jean-Philippe Talec, ainsi qu’un site internet en accès libre.

En 1757, plus de 3 000 marins étaient rattachés au Port de Bayonne. Au mois d’avril, 32 hommes de mer composent l’équipage du Dauphin de Louisbourg, prêt à quitter les rivages basques pour traverser l’Atlantique. La destination est la ville de Louisbourg sur l’Île-Royale, désormais appelée île du Cap-Breton dans la province canadienne de Nouvelle-Écosse. En mer pour un périple de six semaines, le navire se fait intercepter au bout de quatre jours de voyage. « Il est parti au mauvais endroit au mauvais moment » constate Charles Videgain, l’un des auteurs de l’ouvrage et également professeur en études basques à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour.

Merci aux anglais

À cette époque, la guerre de Sept Ans (1756-1763) fait rage. Le navire est alors capturé par la marine britannique. Outre les marchandises transportées, le bateau véhiculait en son sein de nombreuses lettres envoyées par des Basques à leurs correspondants d’Amérique. Un trésor oublié et découvert par Xabier Lamikiz au début des années 2010. Lors de recherches au sein des archives de la marine britannique, le professeur de l’Université du Pays Basque à Vitoria-Gasteiz tombe sur un carton où il est inscrit Bayonne. Intrigué, il ouvre la boîte et découvre une mine d’or. Des dizaines de documents, dont de nombreuses lettres jamais ouvertes. Présent à Bayonne pour la présentation du livre, Randolph Cock est une personne clé dans l’élaboration du projet. Responsable des archives à Londres, il est en contact régulier avec les équipes basques pour les faire avancer dans leurs recherches. « On peut dire un grand merci aux Anglais, car c’est grâce à eux que nous avons cette remarquable documentation », se réjouit Charles Videgain.

Un témoignage sans censure

Depuis le 17ème siècle, le service des archives conserve les dossiers de plus 35 000 navires saisis entre 1652 et 1815. « Cela représente des millions de documents, dont plus de 160 000 lettres », précise Randolph Cock. Un fonds extraordinaire dans lequel dormaient les souvenirs du Dauphin de Louisbourg. « Nous les avons gardés pour vous pendant plus de 250 ans », sourit l’archiviste anglais.

Ce sont ainsi plus de 200 documents, dont 171 lettres qui, à défaut d’avoir traversé l’Atlantique, ont traversé les siècles. « Ces lettres sont commerciales ou privées, rédigées par des gens riches ou pauvres, elles proviennent d’une mère à son fils, d’une épouse à son mari ou d’un marchand à un commerçant » détaille le Britannique. « Elles sont très intéressantes, car elles émanent de la sphère privée, sans aucune censure » ajoute Charles Videgain.

Une telle découverte est rare. « Jusque là, nous ne travaillons que sur des lettres isolées » précise Charles Videgain. « C’est la première fois que l’on trouve un bloc de lettres dans un dialecte labourdin assez compréhensible par nous ». L’intérêt scientifique semble évident tant pour les historiens que pour les linguistes. « C’est un témoignage important sur l’évolution de la langue, nous avons par exemple trouvé quelques variations d’un village à l’autre ainsi qu’une façon de formuler le futur qui n’est plus usitée aujourd’hui ».

Cette mine d’or est compilée dans l’ouvrage édité aux éditions La Geste. Dans ce livre, les travaux de recherches sont présentés et éclairés par les textes d’historiens et linguistes. Mais les documents originaux sont également consultables gratuitement sur une base de données créée par le centre Iker CNRS de Bayonne. « Tout le monde a accès aux 234 documents du corpus avec des descriptions, traductions et annotations » souligne Jean-Philippe Talec. Un trésor ouvert aux universitaires, et aux simples curieux. « On espère que cette collection réveillera des envies et sera utilisée pour d’autres projets de recherche » ajoute le chercheur.

Chacun pourra également vérifier si l’un de ses aïeux, dix générations en amont, ne figure pas parmi les expéditeurs ou destinataires. « Nous n’avons pas trouvé beaucoup de descendants des auteurs des lettres » reconnaît Charles Videgain. « Mémoires, lettres et papiers du Dauphin : Bayonne- Louisbourg-Londres 1757 », 606 pages, aux éditions La Geste.

Les documents sont également disponibles sur : anpersana-prod.univ-pau.fr.