Le harcèlement scolaire ne s'arrête plus à la porte de la maison
12 % des écoliers, 10 % des collégiens et 7 % des lycéens du Pays Basque sont victimes de harcèlement. Phénomène courant de l'école jusqu'au lycée entre enfants et les adolescents, le harcèlement scolaire est l'affaire de tous. Nous avons rencontré Cédric Sampere, responsable de la Maison des Adolescents au Pays Basque, qui reçoit avec son équipe, un certain nombre de jeunes confrontés à ce problème.
Comment se manifeste le harcèlement scolaire ?
Cédric Sampere : Le harcèlement scolaire correspond à l'usage répété de violences physiques, mais aussi de moqueries, de brimades ou d'humiliations. Le but est de rabaisser ou de faire mal à l'autre. C'est un acte répété qui est désagréable pour la personne qui le subit. Il peut s'agir même de petits gestes qui paraissent anodins, comme faire tomber un stylo d'une personne, tous les jours, donner un surnom, ou encore ignorer une personne qui s'assoit à la même table à la cantine. Et ces actes répétitifs deviennent insupportables pour la victime.
Pourquoi un enfant devient la cible du harceleur ?
C.S. : Tout dépend de la fragilité de chacun. Les enfants et les adolescents sont en pleine construction identitaire et sont très sensibles. Les jeunes ont du mal à gérer leurs émotions. La victime peut être quelqu'un d'introverti et qui n'ose pas se défendre. Certains sont blessés par des mots, d'autres par des actes. Parfois, les victimes pensent que cette situation est une fatalité, et qu'ils sont fautifs s'ils sont harcelés. Le harcèlement se fonde sur le rejet de la différence et sur la stigmatisation de certaines caractéristiques, telles que l’apparence physique, le handicap, des centres d'intérêt différents...
Quel est l'âge des victimes que vous rencontrez ?
C.S. : Nous nous sommes rendus compte en interrogeant des élèves de sixième, lors de nos interventions de prévention que le harcèlement commence très tôt, dès les classes de CE2, CM1. Ce phénomène existe jusqu'au lycée.
Comment peut-on repérer un enfant victime ?
C.S. : Repérer une victime de violences physiques est souvent plus facile qu'une victime de violences psychologiques, car dans ce second cas, il s'agit d'un ressenti. En général, c'est difficile à détecter car c'est fait de manière insidieuse. Peu d'adultes parviennent à voir le mal-être d'un enfant harcelé à l'école. En effet, il n'est pas facile pour un adulte de faire la part des choses entre harcèlement scolaire et petites disputes de récré. La victime pense parfois pouvoir régler ses problèmes seule, cherchant la plupart du temps à cacher son mal-être à ses parents par peur de les décevoir, ou par crainte, tout simplement, de représailles plus virulentes encore, de la part de ses harceleurs. Et même si les adultes remarquent que l'enfant se sent mal, ils estiment parfois que c'est normal, l'enfance et l'adolescence étant des périodes faites de hauts et de bas... Lorsque des enfants tentent d'alerter les adultes, certains ne prêtent pas attention à leurs paroles. Or, il est important d'être à l'écoute. De manière générale, il faut être attentif à tout changement de comportement, sans dramatiser, mais sans non plus minimiser les faits. Plusieurs signes peuvent alerter l'adulte : un enfant qui s'isole, qui ne veut plus aller à l'école, ou encore dont les résultats scolaires chutent. L'enfant peut montrer également des signes d'agressivité. La pression est telle que l'expression du mal-être explose. Découvrir une situation de harcèlement peut parfois prendre des années.
Quelles sont les conséquences ?
C.S. : Les conséquences sont diverses : isolement, renfermement, agressivité, phobie scolaire, scarification. Parfois ces situations sont tellement insoutenables pour les jeunes qu'elles poussent certains adolescents et même des enfants au suicide.
Comment un enfant victime de harcèlement arrive-t-il à se reconstruire ?
C.S. : La victime doit être accompagnée. Nous essayons d'intervenir le plus rapidement possible. Lorsque nous recevons un enfant victime de harcèlement, nous lui proposons des solutions, des armes pour se défendre. Nous lui faisons comprendre qu'il existe plusieurs issues, car bien souvent il n'en voit qu'une. Cela peut prendre du temps, car la victime doit restaurer son identité et son estime de soi. Si elle est bien entourée, sa reconstruction peut aller assez vite. Mais pour certaines personnes, il est parfois difficile de se sortir d'une situation de harcèlement, car la victime doit changer d'attitude et donc se mettre dans une situation qu'elle ne connaît pas. Or, se jeter dans l'inconnu est une source d'angoisse pour certains qui préfèrent rester dans la position du harcelé. Aider une personne harcelée est une aide individuelle car ce qui est valable pour une personne ne marche pas forcément pour l'autre.
Existe-t-il une évolution du harcèlement scolaire ?
C.S. : Oui, depuis l'arrivée des réseaux sociaux. Autrefois, le harcèlement s'arrêtait une fois la porte de la maison franchie. Le harcelé pouvait souffler au sein de sa bulle familiale. Aujourd'hui le sas de la maison n'existe plus puisque le harcèlement se prolonge sur les réseaux sociaux et est sans limite dans le temps.
Doit-on alors leur supprimer l'accès aux réseaux sociaux ?
C.S. : Non, car la construction identitaire des adolescents se fait aussi par les réseaux sociaux. Encore plus avec la crise sanitaire et le couvre- feu qui les empêchent de se retrouver, d'avoir des relations sociales. Bien souvent, les adolescents harcelés sur les réseaux n'osent pas en parler à leurs parents de peur de se voir confisquer le téléphone.
Comment endiguer ce phénomène ?
C.S. : Aucun établissement ne peut se targuer de ne pas connaître ce fléau. Mais ils sont de plus en plus nombreux à prendre conscience du problème et à mener des actions de prévention. Pour réduire les risques de harcèlement à l’école, des campagnes de prévention et des interventions sont mises en place. Elles encouragent les enfants à parler des violences qu’ils subissent dans leur établissement scolaire, elles aident les parents à reconnaître les signes du harcèlement à l’école, elles incitent l’ensemble des élèves à dénoncer les violences dont ils sont témoins et elles forment les professionnels de l’éducation à identifier et à agir en cas de harcèlement.
Comment sensibiliser les autres enfants, ceux qui harcèlent ?
C.S. : Lors d'une situation de harcèlement, les deux personnes se détruisent. Il faut aussi sortir le harceleur de cette situation. Il est important de travailler avec les auteurs. On leur fait prendre conscience que leur taquinerie, même s'ils pensent que c'est un amusement, est vécue différemment par la victime. Souvent, le harceleur ne se rend pas compte de l'impact de ses actes. La dynamique de groupe joue aussi beaucoup. Plusieurs profils existent : ceux qui ont été eux-mêmes harcelés, ceux qui suivent le mouvement et enfin les leaders.
En tant que parents, comment peut-on sensibiliser nos enfants ?
C.S. : Il faut savoir qu'aucun enfant n'est à l'abri d'être harcelé ou d'être harceleur. L'enfant peut se retrouver malgré lui embarqué dans une situation de harcèlement. En tant que parent, il est utile d'en parler, sans juger, d'accompagner l'enfant et surtout de faire de la prévention. Les parents peuvent aussi développer l'empathie chez l'enfant, dès le plus jeune âge, car les petits y sont réceptifs. L'essentiel est de leur offrir un espace de discussion et d'être vigilant au moindre signe.
Ce que dit la loi
Maître Jacquemin, Avocate au Barreau de Bayonne a accepté d'apporter des précisions sur le volet judiciaire.
« Il y a harcèlement scolaire quand un élève fait subir des actes à un autre, de manière répétée. Les faits de harcèlement scolaire sont récurrents mais les auteurs arrivent rarement devant les tribunaux. Souvent, les sanctions sont d'ordre disciplinaire données par les établissements scolaires. Cependant, la victime peut porter plainte contre le ou les auteurs du harcèlement. La loi punit ces agissements. Les sanctions encourues pour un auteur mineur sont une amende de 7.500 euros et une peine de prison allant de 6 à 18 mois, en fonction des circonstances aggravantes : si la victime est âgée de moins de 15 ans, si le harcèlement a été commis sur une victime dont la vulnérabilité (maladie, handicap physique ou mental...) est apparente ou connue de l'auteur, si le harcèlement a entraîné une incapacité totale de travail (jours d'école manqués) de plus de 8 jours ou encore si le harcèlement a été commis via Internet. La victime peut déposer plainte ou bien un signalement peut être fait par l'établissement scolaire au procureur de la République. »
- Remise des clés aux Jardins familiaux de Saint-Jean-de-Luz
- Semaine verte dans les assiettes