La MUSIQUE BASQUE
Indissociable de l’histoire des Basques, la musique fait partie intégrante de la culture locale, et participe pleinement au rayonnement de la région. Qu’elle soit traditionnelle ou moderne, elle montre un grand dynamisme et a su sans cesse se renouveler pour ne jamais rester figée.
Aux origines de la musique
Lorsque Eugène Passemard, archéologue, trouve dans les grottes d’Isturitz (Basse-Navarre) un os de vautour percé de trois trous et daté de 20 000 ans avant notre ère, il est loin de se douter qu’il vient de mettre au jour le plus ancien instrument de musique d’Europe. En l’observant davantage, il remarque alors qu’il pourrait tout à fait être l’ancêtre de l’actuel txistu et de sa variante souletine, la xirula.
Un an auparavant, l’ethnologue José Miguel de Barandiaran a, quant à lui, découvert dans la grotte d’Atxeta (Gernika) un bois de cerf à trois pointes pouvant produire quatre sons distincts. L’instrument, daté d’environ 8 000 ans, révèle la pratique de la musique par les populations proto-basques. Les Romains eux-mêmes constatent et décrivent clairement les Vascons dansant et chantant au son d’instruments comme des flûtes et des trompettes. Ils évoquent également, notamment en Rioja, la pratique du chant polyphonique à deux ou trois voix. Il faut ensuite attendre le Moyen-Âge et l’apport du chant grégorien pour voir le chant (et la musique) basque évoluer profondément.
Une musique typique
Avant tout, il faut comprendre que la particularité du chant traditionnel basque est d’être toujours resté syllabique (une syllabe correspondant à une seule note), en opposition au chant grégorien qui est mélismatique (plusieurs notes pour une même syllabe). Ce dernier a également tenté d’imposer le chant à une seule voix (monodique), ce qu’il n’est jamais parvenu à faire au Pays Basque. Au contraire, le chant polyphonique connaît son âge d’or au 15e siècle, et la région n’échappe pas à ce phénomène. Le Guipuzcoa et la Navarre sont d’ailleurs particulièrement moteurs dans le domaine, avec la création d’écoles de polyphonie ou encore de choeurs d’enfants distinguant les instruments et les voix.
Si les archives sont nombreuses en matière de musique traditionnelle basque, il n’en est pas de même pour le chant, en particulier populaire. Comme partout en Europe, cette deuxième catégorie s’est transmise quasi uniquement par voie orale, sans production d’écrit. C’est la raison pour laquelle, certains historiens et musicologues considèrent d’ailleurs que tout ce qui a pu être produit avant le 13e siècle a disparu au fil des années, hormis quels rares fragments passés à la poésie.
Il faut ensuite attendre le bouillonnement intellectuel du 19e siècle pour que la musique traditionnelle basque prenne ses lettres de noblesse et fasse l’objet de véritables études qui lui permettront de passer à la postérité.
Les deux visages de la musique basque
Aujourd’hui, on peut facilement distinguer deux catégories principales en matière de musique locale : la chanson traditionnelle ou populaire, et la nouvelle chanson basque.
La tradition veut que les chants basques soient rattachés à des événements culturels et patrimoniaux. On écrit et on compose ainsi pour honorer tel ou tel corps de métier, pour louer le courage des pêcheurs de baleine, etc. Aux origines, il est très certainement a capella, mais s’accommode très vite avec les différents instruments. Au fil des siècles, le chant est harmonisé et les premières chorales basques font leur apparition à la fin du 19e siècle. La renommée locale puis internationale de ces choeurs – d’hommes la plupart du temps – participe clairement au rayonnement de l’euskara (langue basque) et permet d’affirmer la culture basque. L’apport essentiel de Juan Ignacio de Iztueta et Pedro de Albeniz, auteurs en 1826 du tout premier recueil de chants basques avec notation musicale, en est sans doute le fondement. Le chant liturgique et religieux en est l’une des composantes majeures, et son répertoire ne cesse encore de s’enrichir de nos jours.
Il ne faut pas non plus oublier l’apport extraordinaire des bertsolaris, ces chanteurs d’improvisation poètes apparus au 18e siècle. Cet art, en vers rimés et strophes, a pour but de créer, en direct et en osmose avec le public, un chant sur un thème particulier. Son influence sur la culture basque est essentielle, notamment lors des concours et joutes organisés chaque année.
D’autre part, depuis les années 1960, la musique basque connaît un véritable renouveau, prenant une véritable dimension politique, notamment de l’autre côté des Pyrénées. La chanson se fait engagée, militante, et s’ouvre davantage au monde. Les mélodies se diversifient particulièrement au cours des années 1970, n’hésitant pas à emprunter des chemins totalement différents du passé. On donne plus de valeur aux paroles afin de faire passer des messages politiques et sociologiques plus forts (kantaldis).
Certains spécialistes de la musique basque, tels Gorka Robles et Jean-Claude Mailly, affirment d’ailleurs que « la chanson basque est un héritage qui se transmet et s’interprète avant d’être totalement approprié par les auteurs et le public. » Le chant Oi Gu Hemen, qui est à l’origine la chanson Sinnerman de Nina Simone, reprise et adaptée une première fois par le groupe basque Bergara puis par le choeur Nekez Ari, de Saint-Jean-Pied-de-Port, en est la parfaite illustration.
Traditionnelle, populaire et engagée, la musique basque a donc, depuis des siècles, pour unique but de servir et magnifier la culture locale, à l’image de Txoria txori (Hegoak).
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