La fabrique de Chocolat : Au-delà des siècles et des générations
Voici plus d’un siècle que la Fabrique de Chocolat de La Bastide-Clairence a disparu des radars. À force d’envie et d’enthousiasme, un jeune couple de locaux lui redonne vie. Un projet mené par Gabriel et Anaïs, au bout de dix années de travaux et de recherches.
Depuis le 17 décembre dernier, l’un des trésors de La Bastide-Clairence brille à nouveau. Endormi durant de longues décennies, un moulin d’époque médiévale reprend vie, porté par la passion d’un enfant du village.
« Il a été construit en 1313, soit un an après la création de La Bastide-Clairence », raconte Gabriel Auzi, son propriétaire. Entre cette bâtisse et le trentenaire, c’est fusionnel. « Je suis passionné par ce moulin depuis mon plus jeune âge, c’est un rêve de gosse de le restaurer et de lui redonner vie ».
Embarquée dans cette aventure, sa compagne Anaïs Le Calvez n’ignorait rien de ce projet lointain. « Notre premier rendez-vous était déjà ici », se souvient-elle en souriant. « Dès le début de notre relation, je savais que notre vie serait ici ». C’est en 2014 que le rêve commence à se dessiner. Cette année-là, Gabriel et Anaïs achètent le moulin et deviennent ainsi la cinquième génération des Auzi à la tête de ce bâtiment pas comme les autres.
Du moulin à la chocolaterie
L’histoire des Auzi avec le moulin démarre en 1894. Ingénieur mécanique, l’arrière-arrière-grand-père de Gabriel en fait l’acquisition. Spécialisé en hydroélectricité, Jules Auzi fait installer une turbine en 1898, permettant ainsi à tout le village d’avoir l’électricité.
Au même moment, à quelques kilomètres de là, les moines de l’Abbaye de Belloc fabriquent du chocolat. Au début du 20ème siècle, la chocolaterie doit quitter la communauté religieuse et se retrouve déplacée dans le moulin de La Bastide-Clairence. Jusqu’en 2014, Gabriel ne connaissait presque rien de ce passé chocolaté. « Mon grand-père évoquait de vagues souvenirs de tablettes, mais rien de précis ». Mais lorsque le couple s’entretient avec un bénédictin de l’abbaye, le flou se dissipe peu à peu. « Un moine de 85 ans qui a connu mon grand-père nous confirme l’existence de la fabrique de chocolat et nous aide ensuite à retrouver les pièces de ce passé ». Le premier fil a été tiré, ce sera le début de dix années de travaux et de recherches.
Alors qu’il restaure la bâtisse, le couple poursuit son enquête au gré des informations glanées et des personnes croisées. « Dans cette aventure, on attache beaucoup d’importance aux rencontres ». Ce sont elles qui vont faire avancer le projet et aboutir peu à peu à la renaissance de la Fabrique de Chocolat de La Bastide-Clairence. Emballage d’origine, machines d’époques et même la recette de 1903 ont été retrouvés.
Aujourd’hui, dans la partie musée de la Fabrique, le visiteur effectue le parcours complet de l’élaboration du chocolat, depuis la fève jusqu’à la tablette. Un chemin jalonné par les machines qui étaient à l’oeuvre ici-même, un siècle plus tôt. « Nous les avons retrouvées à Ayherre, chez Claire Noblia », elle-même fille de chocolatier. « Malgré des offres, elle avait toujours refusé de les vendre et elle a accepté de nous les céder, car nous étions dans une mission de préservation du patrimoine ».
Un musée, une fabrique et bien plus encore
Parmi toutes les rencontres, celle avec Stéphane Bonnat est déterminante. Avec un tel patrimoine entre les mains, le chocolatier isérois (aux origines bayonnaises) les convainc d’aller au bout de la démarche. Ne possédant pas le savoir-faire, le couple apprend le métier auprès du maître. Tous les trois mois, ils montent dans les Alpes pour se former et revenir au pays avec ces blocs de chocolat dont les dernières étapes sont réalisées à La Bastide. C’est avec son expertise que la recette originale de 1903 a pu être déchiffrée. Une tablette de chocolat noir à 65 % de cacao élaborée à partir de six fèves différentes en provenance du Venezuela, du Brésil, du Pérou et de São Tomé. En plus de cette plaquette d’origine, la Fabrique de La Bastide élabore et vend d’autres tablettes, des bonbons, des chocolats chauds…
Si un chemin énorme a été parcouru en dix ans, l’aventure est pourtant loin d’être terminée. « Notre but est d’apprendre l’ensemble du savoir-faire pour réimplanter toutes les étapes de la fabrication à La Bastide », insiste Gabriel Auzi.
En parallèle, l’homme de 36 ans n’oublie pas son objectif de départ, celui de remettre le moulin en marche et ainsi permettre à sa fabrique de fonctionner avec l’énergie produite sur place.
Un projet qui s’inscrit dans le temps, dans une histoire profonde, au-delà des siècles et des générations. « Plus qu’un musée ou qu’une fabrique de chocolat, ce lieu c’est avant tout notre histoire et je suis fière d’être un rouage de transmission », se réjouit Anaïs. « Gabriel représente le lien avec l’avant, et moi celui avec l’après notamment au travers de nos deux enfants ».
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