Juges et avocats : une forte féminisation
Après une intégration tardive et discrète, les femmes sont désormais majoritaires dans l’avocature et la magistrature. Ce phénomène, véritable raz-de-marée dans la justice, pose diverses questions, notamment en termes de parité.
En 1900, Jeanne Chauvin prête serment et devient la première avocate de France. Après cette pionnière, quelques exceptions ont embrassé la profession, et c’est véritablement dans les années 1980 que le phénomène s’accélère. Une évolution naturelle au fur et à mesure des années, jusqu’à atteindre 50 % de la profession en 2008 et 57 % aujourd’hui.
Un Barreau dans la moyenne nationale
« Ici au Barreau de Bayonne, il n’y a jamais eu de différence entre les femmes et les hommes », constate le Bâtonnier, Agnès Hauciarce-Rey. « Le mouvement s’est fait naturellement et au cours de mon expérience, je n’ai jamais eu à m'affirmer plus parce que j’étais une femme ». La liste des dix derniers Bâtonniers sur les vingt dernières années conforte ce sentiment. Sur cette dizaine de noms, six sont des femmes : Christiane Fando Colina (2003-2004), Joëlle Assié Berasategui (2007-2008), Anne Marie Mendiboure (2009-2010), Isabelle Duguet (2015-2016), Anne-Marie Bonnet (2021-2022) et Agnès Hauciarce-Rey (2023-2024).
Le Barreau dont elle est à la tête est parfaitement dans la moyenne nationale avec 56,7 % de femmes qui viennent rajeunir la moyenne d’âge globale (45,9 ans). Le genre féminin est parfois largement majoritaire dans certains barreaux et cela provoque parfois des blocages. « Cela pose des problèmes récurrents dans certains barreaux qui parviennent difficilement à trouver une parité dans leur conseil de l’ordre, c’est un effet pervers inattendu ».
Un plafond de verre
Chez les avocats et plus encore chez les juges, on cherche de plus en plus les hommes. Dans la magistrature, l’intégration des femmes s’est accélérée passant de 0 en 1946 à 28 % en 1982, 50 % en 2001 pour atteindre aujourd’hui 71 % des effectifs. Elles reviennent pourtant de loin, car dans les esprits, elles ont longtemps été considérées « trop émotives, trop instables pour exercer des fonctions régaliennes », estime Gwenola Joly-Coz, auteure du livre « Femmes de Justice », publié en 2023. Également première présidente de la Cour d’appel de Poitiers, la juge est toujours consternée de voir « qu’une profession qui compte autant de femmes ne nomme que des hommes au sommet de la hiérarchie ».
Au Tribunal Judiciaire de Bayonne, Florence Bouvier fait partie des exceptions. « Il est vrai que le mou- Par Yannick Revel vement est en marche, mais force est de constater que plus on monte dans la hiérarchie, moins on trouve de femmes » confirme la juge.
Un plafond de verre serait donc au-dessus de leurs têtes, s’expliquant par plusieurs raisons. « La mobilité exigée pour l’avancement dans la hiérarchie ne joue pas en faveur des femmes, ce à quoi s’ajoute certainement une certaine autocensure », pense Gwenola Joly-Coz. Pour illustrer ses propos, elle cite un dicton souvent entendu en matière de ressources humaines : « avec 60 % des compétences, un homme candidate à un poste alors qu’une femme n’osera le faire qui si elle possède 120 % des compétences ».
Une limite ressentie également chez les avocates pour lesquelles un chiffre résume à lui seul leurs difficultés. 30 % d’entre elles quittent la profession avant la dixième année d’exercice. « C’est une réalité, car il est difficile de mener de front la vie familiale et la vie professionnelle, il faut avoir un entourage qui vous soutient » estime le Bâtonnier bayonnais. De nos jours, les justiciables s’adressent dans la grande majorité des cas, non pas à Monsieur, mais à Madame le Juge. Tout un nouveau paradigme s’impose alors dans les cours parfois exclusivement composées de femmes. Sensibilisé par le sujet, le ministère de la Justice tente de rééquilibrer la mixité. « Il faut recruter plus d’hommes, car l’équilibre actuel n’est pas satisfaisant pour les justiciables » estimait Nicole Belloubet, alors Garde des Sceaux en 2019.
Pour le moment, les hommes se font rares sur les bancs de l’ENM (École Nationale de la Magistrature) et par conséquent dans les Tribunaux. Mais pourtant, ils sont largement sur représentés sur les postes à responsabilité. Pour cette raison, le combat doit continuer selon Gwenola Joly-Coz, car « nous avons obtenu la mixité, mais pas la parité ».
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