Imprimer la page
Vie locale

280 ans d’histoire franc-maçonne à Bayonne

© DR

© DR

Avec la récente publication d’un Focus sur la franc-maçonnerie, la Ville de Bayonne a souhaité mettre en lumière ce courant de pensée et tout ce qu’il a pu apporter à l’histoire locale depuis près de trois sièclesLe travail minutieux d’Olivier Ribeton, conservateur en chef honoraire du Musée Basque et de l’histoire de Bayonne, procure un éclairage essentiel pour comprendre combien ces idées, et les hommes qui les ont portées ont contribué à la destinée bayonnaise. Il présentait le fruit de son travail le 12 juin, dans le Grand Salon de l’Hôtel de Ville et les lignes qui suivent ont la prétention de vous donner l’envie de le découvrir.

Petite définition de la franc-maçonnerie

Connue de tous, mais secrète et souvent indescriptible, il est peut-être intéressant de redonner ici une rapide définition de la franc-maçonnerie. Le Robert la qualifie d’« association internationale, de caractère mutualiste et philanthropique, de nature initiatique et ésotérique ». Dans les faits, cette description ne donne pas les clefs pour en comprendre fonctionnement, vision et influence sur la société.

Pour faire simple, la franc-maçonnerie est une société mondiale dite fermée, dont les membres, appelés « frères », se reconnaissent par des signes et partagent des secrets sous serment. Ils sont regroupés en loges ; un groupement de loges formant lui-même une obédience. Quant à la pensée maçonnique en elle-même, on pourrait risquer un raccourci en la définissant comme étant la volonté d’un perfectionnement moral, le développement des connaissances et l’entretien permanent de la fraternité entre les frères.

En 2021, Georges Sérignac, alors nouveau grand-maître du Grand Orient de France, principale obédience de l’Hexagone, affirmait ainsi : « La Franc-maçonnerie est un point d’ancrage moral, philosophique et républicain. Elle est un lieu de réflexion et de prospective dont la méthode initiatique et symbolique permet de progresser vers une connaissance objective et une éthique de soi […]. La Francmaçonnerie est un des outils du combat pour la liberté, la justice, l’émancipation et l’accession à une vie bonne pour chaque être humain… »

Un peu d’histoire

La franc-maçonnerie apparaît à la fin du 16e siècle, en Écosse d’abord, puis se développe en Angleterre au cours du siècle suivant. Elle est l’héritière des secrets maçonniques et de l’art de bâtir au Moyen-Âge. Ses membres sont recrutés par cooptation, c’est-à-dire par désignation (ou parrainage en quelque sorte) par d’autres frères. En France, elle est introduite par les jacobites émigrés au début du 18e siècle, dans une version très chrétienne. Très vite cependant, une scission s’opère avec la création du Grand Orient de France, en 1773, qui abandonne peu à peu la vision initiale pour un agnosticisme assumé… évoluant jusqu’à un anticléricalisme prononcé sous la 3e République. Aujourd’hui, le Grand Orient de France compte environ 500 loges et 40 000 membres.

Bayonne, ville historique

Comme tout port qui se respecte, Bayonne a toujours été à la pointe des nouveautés et des grands courants de pensée. C’est donc tout naturellement que la franc-maçonnerie a rapidement été implantée dans la Cité, le 3 juin 1743 très précisément, avec la création de la loge Saint-Jean de l’Union Cordiale. Elle est alors présidée par Timothée Lichigaray, commerçant basque d’Orthez. Quelques années plus tard, elle prend le nom de La Zélée et fait partie de l’obédience du Grand Orient de France. D’autres loges naissent, disparaissent et renaissent, comme L’Amitié ou encore La Fidélité.

En 1790, le 1er maire élu de Bayonne, Dominique Dubrocq, est un franc-maçon bien connu. Son successeur, Jean-Pierre Basterrèche, est également membre de La Zélée. Puis, la Terreur met un terme aux activités maçonniques, les Jacobins ne tolérant pas les réunions secrètes.

Dans son Focus, Olivier Ribeton rappelle ensuite que la première moitié du 19e siècle permet à la franc-maçonnerie bayonnaise de se développer grandement et de connaître quelques modifications sociologiques. Les armateurs y deviennent minoritaires tandis que les professions libérales y sont initiées en masse. On peut même constater une prolétarisation des loges locales avec l’arrivée d’employés et de petits commerçants. Jacques Laffitte, Bayonnais acteur de la Révolution de Juillet 1830, ou encore Frédéric Bastiat, grand économiste, sont les grandes figures de la franc-maçonnerie bayonnaise de cette période.

Si l’on doit résumer la vie maçonnique des décennies suivantes, elle oscille entre lutte pour la laïcité, anticléricalisme et opposition à l’Église locale, union sacrée pendant la Grande Guerre, puis finalement, développement de l’action sociale. La Zélée prend d’ailleurs part à ce point, notamment dans le domaine de l’enseignement, le logement ou encore la défense des travailleurs et des paysans.

Un héritage fort

La suite de l’histoire s’inscrit dans la lutte contre les fascismes, la Résistance et la reconstruction de la France après 1945, et ce malgré la fermeture de toutes les loges françaises par la loi de Vichy du 13 août 1940. Mais une nouvelle fois, la bien-nommée La Zélée se relève et compte d’ailleurs dans ses rangs deux Compagnons de la Libération, le général Georges Bergé et Marcel Suarez.

La franc-maçonnerie de Bayonne a largement contribué à la renaissance du mouvement en Espagne et sur tout le Bas-Adour. Aujourd’hui encore, on dénombre 25 loges dans la ville (quatre affiliées au Grand Orient de France, les autres appartenant à La Grande Loge de France, à La Grande Loge Traditionnelle et Symbolique Opéra, à La Loge Mixte du Droit Humain, à La Grande Loge Nationale Française et à La Grande Loge Féminine de France) qui comptent 700 à 800 hommes et femmes.

Désormais, comme le rappelle Olivier Ribeton, les sujets philosophiques sont largement débattus et traités par les loges, même si politique et religion y sont toujours abordées (avec prudence et sans prosélytisme), toujours dans un esprit de laïcité et d’humanisme.

Source : FOCUS LA FRANC-MAÇONNERIE À BAYONNE